Hammad Kabbadj ne sera pas prophète en son pays. La candidature du prédicateur salafiste a été rejetée par le ministère de l’intérieur, qui lui a notifié son refus vendredi 16 septembre.

Après enquête administrative, la préfecture de Marrakech a motivé sa décision par les « propos et déclarations contraires aux principes démocratiques » de M. Kabbadj, qualifiant ses idées d’« extrémistes » et « d’incitation à la haine et à la violence ».

A 39 ans, Hammad Kabbadj est devenu une figure nationalement connue au Maroc après que le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) l’eut choisi pour mener sa liste aux législatives du 7 octobre, à Marrakech-Guéliz.

Le secrétaire général du PJD et actuel chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, l’a personnellement investi dans cette circonscription, où se concentrent la plupart des lieux touristiques de la ville. Un choix rapidement perçu comme une provocation par une partie des élites hostiles aux islamistes.

Mariage des filles dès 9 ans

L’implantation locale de Hamad Kabbadj est indissociable de l’activisme de l’Association de l’appel au Coran et à la Sunna, qui regroupe le plus grand réseau d’écoles coraniques, notamment dans la région de Marrakech.

En 2008, cette association s’était retrouvée dans le viseur des défenseurs des droits humains quand Mohammed Maghraoui, son président, avait émis une fatwa rendant licite le mariage des mineures. « Nous l’avons vu, nous en avons entendu parler et nous en avons discuté : des filles de 9 ans ont une capacité à copuler que n’ont pas parfois celles de 20 ans », avait alors affirmé M. Maghraoui.

M. Kabbadj a longtemps occupé les fonctions de secrétaire de l’Association de l’appel au Coran et à la Sunna, avant de prendre ses distances avec le cheikh Maghraoui, représentant éminent du courant salafiste wahhabite au Maroc, pour se rapprocher du Mouvement unicité et réforme (MUR), l’association de prédication du Parti de la justice et du développement.

Dans sa réaction au refus de sa candidature, M. Kabbadj en a appelé directement au roi, à travers une lettre ouverte publiée sur sa page Facebook. Dénonçant une « injustice », il dit refuser de saisir la justice administrative.

« Si ces accusations sont fondées, il faudrait m’arrêter et m’incarcérer en attendant ma condamnation, car je constituerais un danger pour mon pays. »
« Comment se fait-il que ce danger n’est apparu que lorsque j’ai déposé ma candidature auprès de M. le gouverneur [équivalent du préfet] ? »
« Est-il possible que les autorités découvrent en 24 heures ce qu’elles n’auraient pas vu depuis vingt ans ? »

Cet appel au roi – dont le gouverneur est le représentant au niveau local – s’appuie aussi sur le soutien affiché de Hammad Kabbadj à la Constitution de 2011. De manière générale, les salafistes mettent en avant leur attitude quiétiste vis-à-vis du pouvoir.

Des salafistes courtisés par les partis

A Marrakech, les figures salafistes avaient, de l’aveu de la direction du parti islamiste, contribué à la victoire inédite lors des législatives de 2011. Dans la circonscription de Marrakech-Guéliz, la liste PJD menée par Ahmed El Motassadeq avait raflé près de 35 % des voix exprimées, selon des décomptes partiels obtenus par Le Monde. Les salafistes sont courtisés par d’autres partis, y compris par ceux qui ne se réclament pas d’un agenda conservateur, qui espèrent bénéficier de leur respectabilité.

« Avancer des motifs d’ordre idéologique pour interdire la candidature de Kabbadj ne peut pas convaincre, explique le chercheur Abdelhakim Aboullouz, auteur d’une thèse sur le mouvement salafiste à Marrakech. Hammad Kabbadj n’exprime pas des convictions différentes de celles des autres salafistes traditionalistes en ce qui concerne le dogme. C’est un acteur qui a choisi d’entrer en politique de manière individuelle, au moment où l’Etat dit vouloir intégrer les salafistes. »