L’homosexualité et l’homoparentalité sont de plus en plus acceptées dans la société, selon le sondage réalisé par l’IFOP auprès de 2 274 personnes représentatives des Français pour le compte de l’Association des familles homoparentales (ADFH), publié mercredi 14 septembre. Pour 63 % des personnes interrogées, un couple d’homosexuels vivant avec ses enfants « constitue une famille à part entière ». Autre enseignement majeur, les deux tiers des sondés souhaitent voir la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe maintenue (+ 5 points par rapport à octobre 2014), contre 38 % qui sont favorables à son abrogation.

Aucun clivage ville-campagne

« Le vote de la loi Taubira a renforcé la légitimité des couples et des familles homoparentales. Cet effet avait déjà été observé lors du vote du pacs [en 1999], observe François Kraus, directeur des études politiques de l’IFOP. Après la période de tension du débat sur la loi, marquée par des clivages très forts, c’est un retour à la normale. L’opinion évolue lentement. »

Cela y compris sur des sujets particulièrement polémiques comme la filiation. Ainsi, 59 % des personnes interrogées (+ 6 points par rapport à octobre 2014) se disent favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. La mesure, défendue par une partie de la gauche, a finalement été abandonnée sous la pression des défenseurs d’une vision traditionnelle de la famille.

Les sentiments restent partagés à propos de la gestation pour autrui (GPA) : 57 % y sont favorables pour les couples hétérosexuels, mais 56 % y sont hostiles pour les couples homosexuels. La reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger est en revanche largement soutenue : 64 % des sondés pensent qu’ils devraient avoir « les mêmes droits que les autres enfants », notamment d’être inscrits à l’état civil, ce qui n’est pas forcément le cas actuellement, malgré la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.

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De façon classique, les femmes, les jeunes, les plus diplômés, les cadres et professions intellectuelles apparaissent plus favorables aux droits des homosexuels. En revanche, aucun clivage ville-campagne n’apparaît. L’enquête révèle des lignes de fracture intimes. Le fait de côtoyer un homosexuel, que ce soit dans la famille, parmi les proches amis ou les connaissances, fait fortement grimper l’adhésion à loi Taubira et à des réformes en faveur de la filiation homosexuelle.

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Or, 71 % des personnes interrogées comptent au moins un homosexuel dans leur entourage. Dans 22 % des cas, ce dernier a des enfants. « Nous ne sommes pas seuls, commente Alexandre Urwicz, président de l’ADFH. Nous le voyons dans les mariages entre personnes de même sexe : les familles, les amis, les collègues sont réunis. L’enquête montre cette forte proximité, qui enclenche un soutien aux causes LGBT [lesbiennes, gays, bi et trans]. »

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Les catholiques pratiquants apparaissent comme le groupe le plus réservé. Plus la pratique de la religion est régulière, plus l’opposition augmente. « C’est un indicateur de l’influence de la morale religieuse chez les personnes », décrypte François Kraus. En revanche, les catholiques non pratiquants ont des positions parfois proches des « sans-religion » (respectivement 61 % et 65 % sont favorables à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, contre 34 % des pratiquants réguliers).

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La proximité politique reste fortement clivante. A gauche, 70 % des sympathisants du Parti socialiste (PS) et du Front de gauche sont favorables à l’ouverture de la PMA, 80 % à la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Ceux du centre également, dans des proportions moindres. Les proches du Front national et de Debout la France sont les plus hostiles.

Les sympathisants du parti Les Républicains (LR) sont les plus partagés. Une courte majorité d’entre eux est cependant opposée à l’abrogation de la loi Taubira (54 %, contre 40 % entre octobre 2014). Conscients que ce sujet, même éclipsé par les questions d’identité et de terrorisme, continue à préoccuper une partie de leur électorat, tous les candidats à la primaire du parti ont pris position. La balance semble également pencher parmi eux en faveur du statu quo.

Incompréhension

Seuls le député de la Drôme Hervé Mariton et le président du Parti chrétien démocrate, Jean-Frédéric Poisson, ont inscrit l’abrogation à leur programme. Ces deux figures du combat législatif contre le mariage pour tous pensent ainsi pouvoir compter sur le soutien des troupes de la Manif pour tous (MPT). Mais Sens commun, le prolongement politique de MPT allié au parti Les Républicains, a finalement décidé de soutenir François Fillon. « Peut-être n’ont-ils tout simplement pas envie de suivre un candidat qui fera 0,5 % au final », explique Patrick Stefanini, directeur de campagne de l’ancien premier ministre.

Sans revenir sur le mariage, ce dernier veut interdire l’adoption plénière par les couples homosexuels et autoriser l’adoption simple après qu’un juge statue en fonction de « l’intérêt de l’enfant ». A l’autre bout du spectre, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire, soucieux de projeter une image de modernité, ont toujours marqué leur opposition à l’abrogation. Le député de l’Eure en a même fait un marqueur politique.

Sans l’afficher aussi clairement, Alain Juppé prône également la continuité. Quant à Nicolas Sarkozy, après avoir adopté des positions variées en fonction de son auditoire, il estime préférable de ne pas légiférer à nouveau dans La France pour la vie, publié en janvier chez Plon.

Mais l’enquête de l’IFOP montre que les positionnements des candidats putatifs à l’élection présidentielle n’ont pas forcément été compris. François Hollande apparaît comme le candidat le plus favorable aux droits des homosexuels (bien que ses intentions en la matière pour la campagne de 2017 soient encore inconnues). Mais au sein du parti Les Républicains, c’est Nicolas Sarkozy et non François Fillon qui y est considéré comme le plus opposé. Marine Le Pen est de loin vue comme la plus hostile. Une perception conforme au programme du Front national qui, malgré le positionnement ambigu de sa présidente, promet l’abrogation de la loi sur le mariage pour tous.

La Manif pour tous présente 40 propositions

Alors qu’elle appelle ses sympathisants à défiler le 16 octobre à Paris contre « les nouvelles offensives contre la famille et la filiation », la Manif pour tous a présenté, mardi 13 septembre, 40 propositions de politique familiale. L’association, née de l’opposition à la loi Taubira, poursuit son combat contre le texte. Deux mois avant la primaire à droite, elle ajoute à ces revendications des propositions plus classiques comme le rétablissement du caractère universel des allocations familiales ou la suppression du plafond du quotient familial. Ses propositions visent à promouvoir le modèle familial traditionnel : constitutionnaliser du mariage homme-femme, réserver l’adoption aux couples homme-femme mariés, proposer le mariage aux jeunes parents lors de la déclaration de naissance...