A Notre-Dame-des-Landes, le 26 juin. | LOIC VENANCE/AFP

Incontestablement, l’étau se resserre autour des opposants. Le préfet de Loire-Atlantique a publié, mercredi 14 septembre, les derniers arrêtés préalables au lancement des travaux du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ces documents autorisent le transfert et la destruction du campagnol amphibie, rongeur classé au rang d’espèce protégée, dont la présence sur la zone avait été oubliée lors du diagnostic environnemental initial.

Dans le bocage nantais, on affecte une certaine nonchalance, mais la question taraude les esprits : l’imposant contingent de gendarmes mobiles et de CRS, promis par le premier ministre Manuel Valls pour évacuer le site, sera-t-il mobilisé en octobre pour faire place nette sur le terrain ?

Fin août, Stéphan de Ribou, sous-préfet en charge du dossier de l’aéroport, indiquait que les premiers défrichements ne pourraient être orchestrés tant que les derniers arrêtés n’étaient pas publiés. C’est chose faite. « C’est un bon présage, qui suit le calendrier annoncé par Manuel Valls, salue Alain Mustière, président des Ailes pour l’Ouest, association défendant le projet. C’est aussi la suite logique de la consultation » organisée le 26 juin à l’échelle de la Loire-Atlantique, scrutin qui a vu le oui à l’aéroport recueillir 55,17 % des suffrages, avec un taux de participation de 51,08 %.

« Pas du bluff »

Le sénateur Bruno Retailleau (LR), président de la région et du syndicat mixte aéroportuaire, structure rassemblant les collectivités qui participent au financement du projet, salue « un signal fort de l’Etat » et veut désormais croire que « plus rien n’empêche l’évacuation de la ZAD [zone d’aménagement différé, rebaptisée « zone à défendre » par les anti-aéroport] et le démarrage des travaux ». Près de 2 500 gendarmes et CRS devraient être mobilisés, estime M. Retailleau.

« Est-ce vraiment le prélude d’une opération des forces de l’ordre ?, interroge Julien Durand, figure emblématique des opposants. On peut le prendre comme ça, mais on ne va pas s’affoler. C’est une stratégie pour maintenir la pression. On va s’occuper de ces arrêtés sur le plan juridique. » Des recours vont être engagés devant le tribunal administratif de Nantes, mais la procédure n’aura pas de caractère suspensif. « Ces arrêtés, ce n’est pas du bluff, admet Françoise Verchère, ancienne conseillère départementale (Parti de gauche), porte-parole du Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport. La machine administrative continue imperturbablement sa route. Cela confirme aussi que les porteurs du projet s’assoient sur les jugements scientifiques, puisque le Conseil national de la protection de la nature a émis en avril 2014 un avis défavorable à la destruction du campagnol amphibie. »

La bataille juridique est loin d’être finie. Les recours relatifs aux arrêtés préfectoraux promulgués en décembre 2013 au titre de la loi sur l’eau et de la biodiversité doivent être jugés en appel. Une nouvelle requête vient d’être déposée auprès du Conseil d’Etat, en vue d’obtenir l’abrogation de la déclaration d’utilité publique du projet. Les adversaires de l’aéroport, qui rappellent que le chef de l’Etat s’est engagé à ne pas démarrer les travaux avant l’épuisement des recours, soulignent aussi que le contentieux européen n’est pas réglé.

Bruxelles exige une évaluation globale de l’impact du projet prenant en compte la plate-forme aéroportuaire, mais aussi les futures dessertes routières et les liaisons ferroviaires prévues à long terme. La révision du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) métropolitain de Nantes-Saint-Nazaire, qui doit être validée en janvier au plus tard, doit permettre de solder ce litige, selon les porteurs du projet. « En attendant, si l’Etat lance les travaux, il sera en infraction vis-à-vis de l’Europe, affirme Mme Verchère. Manuel Valls a promis que les travaux seraient lancés dans le respect des procédures nationales et européennes, il serait plaisant que les gens qui appellent sans cesse au respect de l’Etat de droit appliquent ces principes. »

Une grande mobilisation est annoncée samedi 8 octobre. Les opposants espèrent engranger un succès comparable au rassemblement du 27 février, qui a vu déferler sur le site entre 15 000 personnes (estimation des autorités) et 50 000 personnes (chiffre des organisateurs). « On est droit dans nos bottes, on ne bougera pas, prévient Dominique Fresneau, un autre opposant historique. On est chez nous. Si les forces de l’ordre attaquent, on se défendra. »
L’ouverture de l’aéroport, projet officiellement chiffré à 650 millions d’euros, dont la délégation a été confiée à une filiale de Vinci, était initialement prévue en 2017.