Comme d’autres monuments classés, le bosquet aux Trois Fontaines du château de Versailles sera rénové grâce à des fonds privés. | Jean-Claude N'Diaye/La Collection

Si vous arpentez les jardins du château de Versailles lors des Journées européennes du patrimoine des 17 et 18 septembre, ne soyez pas surpris par les noms à consonance anglo-saxonne énumérés derrière le bosquet des Trois Fontaines. Comme de nombreux autres projets de rénovation, il a bénéficié de dons d’origine étrangère. Une manne à laquelle les monuments français risquent d’avoir de plus en plus souvent recours : sur près de 15 000 monuments historiques classés, un sur cinq est « globalement » ou « partiellement » en péril, alertent régulièrement les enquêtes sur l’état du patrimoine hexagonal.

Et que leurs propriétaires soient des individus ou des communes, ils font face à une érosion continue des dotations publiques destinées à leur – coûteux – entretien. Aussi certains n’hésitent-ils pas à « chercher le financement dans toutes les directions », explique François Decoster, maire de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Outre 5,4 millions d’euros de fonds publics consacrés à la restauration de l’extérieur de la chapelle des Jésuites, ce sont dorénavant des Américains qui vont apporter leur pierre à l’édifice. Sous l’impulsion de Sarah de Lencquesaing, une Américaine mariée à un Français originaire de la région, la French Heritage Society a fait don de 250 000 dollars (221 000 euros) pour cette rénovation. Les fonds de cette association vont ainsi contribuer à la transformation de cet ancien centre intellectuel en un lieu de concerts et d’expositions.

Désengagement des départements

« Notre rôle est autant de donner de l’argent que de participer à la visibilité d’un monument, rappelle Sarah de Lencquesaing. Nous soulignons ainsi l’importance universelle du patrimoine français. » Si le budget des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), services déconcentrés du ministère de la culture, reste important en dépit de fluctuations, « régions et départements se sont complètement désengagés », déplore Marie-Caroline Duburch, déléguée générale de la Fondation pour les monuments historiques.

Seul un département sur deux a ainsi aidé les monuments historiques privés en 2014, relève une enquête détaillée de l’association La Demeure historique. « Les contraintes budgétaires des collectivités les incitent à prioriser leurs actions, par exemple en direction du social. La réforme territoriale ne fait qu’accélérer le processus, les grandes régions devant faire des choix », poursuit-elle. « Les communes, qui sont souvent les propriétaires des édifices, voient leurs charges augmenter et nous sollicitent beaucoup plus qu’auparavant », remarque Lionel ­Bonneval, responsable mécénat pour l’association La Sauvegarde de l’art français.

Les grands musées font eux aussi appel à cette générosité traversant les frontières. Par exemple, en 2015, les donations au Louvre provenaient à 39 % de l’étranger, pour un montant de 20 millions d’euros. Les Japonais, en particulier des entreprises, ont fourni plus du quart de cette somme. Discrets, aucun de ces généreux mécènes ne souhaite expliquer son geste, probablement lié à une fascination toute nippone pour le Louvre.

Concurrence dans la levée de fonds

Certains projets, internationaux par essence, permettent également au musée le plus visité au monde de solliciter avec succès une philanthropie transnationale. Ainsi la création du département consacré aux arts de l’Islam a été financée pour plus de la moitié par des dons provenant de la fondation du prince saoudien ­Al-Walid, des Etats du Koweït, d’Oman, de l’Azerbaïdjan et du Maroc. De même pour l’ouverture des salles de mobilier XVIIIe en 2013, entièrement financée par des fonds privés – une première.

Si de riches étrangers apprécient et aident de longue date des lieux célèbres comme Chambord, il faut pour les autres joyaux se faire connaître de personnes qui ne prennent pas forcément la mesure de la richesse patrimoniale française. Une attitude volontariste aujourd’hui en plein développement. Afin que les donateurs bénéficient de déductions fiscales dans leur pays, les monuments peuvent par exemple créer un fonds de dotation ou s’associer avec des structures juridiquement basées à l’étranger.

« Il y a de plus en plus de concurrence dans la levée de fonds et tout le monde va un peu frapper aux mêmes portes », souligne Charlotte Dekoker, déléguée générale adjointe de l’Admical, association de développement du mécénat. Elle note également que le mécénat ne remplace pas les dotations publiques, qui servent surtout à des dépenses structurelles (paiement du personnel, entretien des locaux, etc.), alors que la philanthropie nécessite des projets de rénovation ou d’exposition pour remporter l’adhésion des potentiels donateurs.

Christelle Gérand

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