La crise électorale en RDC vue par notre dessinateur Roland Polman | Roland Polman

Alors qu’une grande frange de l’opposition s’apprête à manifester devant les bureaux de la commission électorale, Ceni à Kinshasa et dans les capitales d’autres provinces, lundi 19 septembre, pour réclamer la tenue de l’élection présidentielle dans les délais légaux, les participants au « dialogue national » ont annoncé mercredi soir être parvenu à un accord sur la tenue simultanée des scrutins présidentiel, législatif et provincial. Sans en préciser toutefois la date.

Le « dialogue national » initié par la majorité présidentielle et conduit par l’ancien premier ministre togolais, Edem Kodjo, est censé permettre trouver une voie de sortie à la crise liée au report de l’élection présidentielle prévue en principe le 27 novembre. Le mandat de Joseph Kabila expire le 20 décembre et la Constitution lui interdit de se représenter pour un troisième mandat. Les principales figures de l’opposition ont choisi de ne pas participer à ces discussions dans lesquelles elles voient un piège pour permettre à M. Kabila de se maintenir au pouvoir.

Mercredi soir, le consensus trouvé sur la séquence électorale a, malgré tout, été présenté comme le premier accord du « dialogue national ». « L’organisation des élections présidentielles, législatives nationales et provinciales se fera en une séquence », a annoncé Edem Kodjo, facilitateur du dialogue, lors d’une conférence de presse.

Quand ? « Pas avant que nous ayons un nouveau fichier [électoral] » et que les cartes d’électeurs soient remises aux 41 millions de votants, y compris ceux de la diaspora, a précisé le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, co-modérateur du dialogue pour la majorité. C’est seulement après que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) publiera un calendrier.

Or, pour la Ceni, la refonte du fichier, qui a débuté en juillet, devrait durer au moins 16 mois. Ce qui reporte de fait la présidentielle du 27 novembre. « C’est le meilleur deal si tout le monde s’y met dans la quiétude et s’il est assorti d’un calendrier réaliste », explique Patrick Muyaya, député du Parti lumumbiste unifié (Palu), allié de la majorité. Mais pour les opposants qui boycottent le « dialogue national », ce compromis est inacceptable.

« Quelle garantie peut donner quelqu’un qui viole la Constitution ? C’est criminel d’accorder une prolongation de mandat à un pouvoir qui a échoué sur tous les plans : paix, sécurité, social, économie, démocratie, développement… Il est ridicule de se réjouir d’un accord qui fait reculer le pays ! », déclare Eve Bazaïba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC).

Manoeuvres dilatoires

Même hostilité chez l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de l’opposant historique Etienne Tshisekedi. « Ce sont des manœuvres dilatoires pour donner un bonus à Kabila », au pouvoir depuis 2001 et qui ne peut briguer un troisième mandat, dit Jean-Marc Kabund a Kabund, secrétaire général du parti. « Tout accord qui violera la Constitution sera une provocation, un défi lancé à l’ensemble de notre peuple. »

Lors de l’ouverture des discussions, le 1er septembre, Edem Kodjo avait créé la surprise en annonçant que l’UDPS avait signé un accord secret avec la majorité. L’UDPS nie en bloc. Edem Kodjo veut « nuire, discréditer » le parti parce qu’il l’a « récusé publiquement », le jugeant acquis au pouvoir, tonne Jean-Marc Kabund a Kabund. Et de mettre au défi le facilitateur : « Qu’il publie cet accord, qu’il apporte des preuves ! »

Un responsable du pouvoir, lui, affirme que l’accord a bel et bien eu lieu. « A la demande de l’UDPS, les négociateurs de la majorité lui ont offert une Primature mais cela suppose que la Constitution soit modifiée car elle prévoit que le chef du gouvernement soit issu de la majorité », assure-t-il.

Une autre rumeur persistante circule affirmant que c’est à Vital Kamerhe, farouche opposant au « dialogue » avant d’en assurer la co-modération pour l’opposition, que Joseph Kabila aurait promis le fauteuil dans un futur gouvernement.

Une chose semble sûre, le pays s’avance vers une transition. « Pour nous, il ne fait pas l’ombre d’un doute que le président Kabila demeure jusqu’au moment où il est remplacé par un nouveau président élu », mais le « gouvernement sera forcément changé » pour que majorité et opposition puissent se « surveiller mutuellement et être sûrs que personne ne bloque le processus jusqu’aux élections », a annoncé le ministre de la justice, Thambwe Mwamba.

« Répression brutale et systématique »

Des élections que « la république va financer seule », assure le ministre. Même s’il faut pour cela reporter la construction de routes, écoles et hôpitaux… avec un budget mis à mal par la chute des matières premières. Kinshasa n’exclut pas l’aide des bailleurs étrangers mais leur reproche de conditionner leur soutien au respect de la Constitution.

Pour élargir la participation au « dialogue national », Vital Kamerhe a proposé le mouvement issu de la société civile, Lutte pour le changement (Lucha), dont une dizaine de membres ont été libérés suite à des mesures de « décrispation politique », puisse venir exposer ses propositions.

Mais à l’évocation de Lucha, que le président Kabila a rencontré en août à Goma (Est), la majorité a vu rouge : « Ce sont des anarchistes ! », « Ils ont quel mandat ? », « Ils représentent quoi ? », « Des gamins ! », ont lâché pêle-mêle des responsables présents à la conférence de presse. Afin de respecter le calendrier électoral, Lucha propose que le vote ait lieu en même temps que l’enregistrement des électeurs.

Jeudi, Amnesty International a publié un rapport dénonçant une « répression brutale » et « systématique » contre les militants, défenseurs des droits de l’Homme et opposants attachés au respect de la constitution.