Où est Robert Mugabe, 92 ans, président du Zimbabwe et plus ancien chef d’Etat de la terre ? La réponse sur votre smartphone, en utilisant les applications de suivi du trafic aérien, comme FlightAware, Flighttrack 5, Flightradar24 ou Flightwise’s pro edition. Certaines sont payantes, mais selon le New York Times, c’est pour les Zimbabwéens le seul moyen de suivre les déplacements de leur président - et son état de santé.

Il suffit de paramétrer l’application pour suivre le Flight 1 de Air Zimbabwe, et d’ajouter le code UM1, qui signifie que le président est à bord.

On découvre ainsi que le samedi 3 septembre, Robert Mugabe volait en direction d’Harare, après quatre jours passés à Dubaï. Il avait en effet écourté de manière inopinée son séjour au Swaziland fin août, alors qu’il prenait part au sommet annuel de la communauté de développement de l’Afrique australe, pour s’envoler vers les Emirats Arabes Unis.

Et cela alors que son pays connaît une crise à la fois politique, avec la répression brutale de manifestations depuis plusieurs semaines, et économique. Jeudi 15 septembre, le Zimbabwe a décidé de lancer une nouvelle monnaie qui ne dit pas son nom, indexée sur le dollar, pour tenter de remédier à son manque criant de liquidités, suscitant aussitôt les craintes d’un retour à l’hyperinflation dans un pays déjà en pleine crise.

Rumeurs et mystères

Cette absence du chef de l’Etat début septembre a alimenté les rumeurs sur sa santé, des rumeurs amplifiées par l’opposition après qu’un député, Eddie Cross, a publié un texte en ligne affirmant que M. Mugabe avait subi un accident vasculaire cérébral et qu’il était peu probable qu’« il puisse s’en sortir ».

Capture d’écran du vol Flight 1 d’Air Zimbabwe par lequel le président Mugabe a quitté son pays en mars 2016 pour aller se faire soigner à Singapour | DR

Comme d’autres chefs d’Etat africains, Robert Mugabe a de plus en plus du mal à cacher sa santé fragile du fait de son âge avancé. Il se déplace souvent à l’étranger pour des soins médicaux. En l’absence de communiqués officiels, ses multiples déplacements inopinés en dehors de l’Afrique laissent libre cours à des rumeurs selon lesquelles sa mort serait imminente. Dans un article du journal indépendant « NewsDay » titré : « Mystère autour du voyage de Mugabe », le 1er septembre, le porte-parole de Robert Mugabe, Georges Charamba, impuissant, déplorait l’ampleur de ces indiscrétions sur l’état de santé du président : « chaque fois que vous ne connaissez pas le but de la visite du président, vous estimez qu’il est malade ».

« Si le gouvernement ne donne pas d’informations, les rumeurs combleront le vide », a affirmé pour sa part au « New York Times » Tendai Bitti, président du Parti démocrate populaire (PDP, opposition).

Déjà en mars, rapporte le « New York Times », lors d’un voyage en Asie, M. Mugabe avait annulé une visite en Inde à la dernière minute. Les applications de suivi aérien ont alors signalé que UM1 était à Singapour, pays où il avait reçu des traitements médicaux ces dernières années. En 2008 déjà, son gouvernement annonçait qu’il souffrait de la cataracte. Mais un télégramme diplomatique américain publié par Wikileaks révélait qu’il était allé à Singapour soigner un cancer de la prostate. Plus récemment, M. Mugabe avait annulé un déplacement au Ghana à la mi-août alors qu’il devait y recevoir le « lifetime achievement award » du Millenium Excellence Foundation.

Chutes et somnolences

Dans la capitale zimbabwéenne, il se dit que Robert Mugabe ne travaille plus que quelques heures par jour et parle peu aux réunions. Plusieurs fois, des vidéos de ses chutes ou de somnolences lors d’événements publics ont fait l’objet de dérision sur les réseaux sociaux. Mais au-delà des blagues sur Twitter, c’est bien la lutte féroce pour sa succession qui inquiète les Zimbabwéens.

Après plusieurs heures de vol, le samedi 3 septembre, l’avion a atterri vers 8 heures du matin à l’aéroport d’Harare comme le montrait le tracking des applications pour smartphone. Les journalistes des médias étatiques ont envahi le tarmac. « Oui, il est vrai, a souri Mugabe, je suis mort et je suis ressuscité comme je le fais souvent ». Un journaliste lui a ensuite posé la question de savoir s’il était un fantôme. « Dès lors que je reviens dans mon pays, je suis réel », a-t-il répondu.