Bruno Le Maire, candidat à la primaire à droite, anime une réunion avec ses partisans dans une salle de l'Eglise américaine de Paris, lundi 5 septembre. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH POLITICS POUR LE MONDE

C’est un véritable pavé. Bruno Le Maire a décidé de présenter son projet pour 2017 dans un document de… 1 012 pages, que Le Monde s’est procuré avant sa présentation officielle, samedi 17 septembre, dans l’après-midi, à l’occasion de la rentrée politique du candidat à la primaire à droite pour la présidentielle, ce week-end, à Sète (Hérault). La densité de ce « contrat présidentiel » s’inscrit dans la volonté du député de l’Eure de crédibiliser ses propositions, après avoir préempté le slogan du « renouveau ».

M. Le Maire a choisi de rédiger un texte le plus précis possible, afin de montrer clairement ses intentions aux Français. Calendrier des réformes, véhicule législatif, chiffrage… Tout y est. Le candidat entend donner des gages sur sa détermination à tenir ses promesses, alors que la défiance à l’égard des responsables politiques reste forte. « Il faut vous convaincre que cette fois nous tiendrons nos engagements (…), les Français en ont assez de ces politiques qui développent leurs grandes idées pour la France la main sur le cœur et ne font rien une fois au pouvoir », écrit l’ex-ministre en introduction. Ce « contrat » de confiance passé avec les Français « m’engage », écrit-il, en promettant de le « respecter ». Comme Nicolas Sarkozy, lui aussi juge nécessaire de « tout dire avant pour tout faire après ».

Premier engagement : la tenue d’un référendum le jour du second tour des élections législatives, le 18 juin 2017, « sur le renouvellement de la classe politique », avec la confirmation de la fin du cumul des mandats, la réduction du nombre de parlementaires ou l’obligation de transparence sur son casier judiciaire pour tout candidat à une élection locale ou nationale. Un autre référendum est prévu au cours du mandat pour faire approuver aux Français « un nouveau projet de traité européen ».

Adaptation de l’Etat de droit

En plus de ces deux référendums, M. Le Maire précise que huit ordonnances seront adoptées entre juillet et septembre 2017, afin de « redonner toute leur autorité aux pouvoirs publics, relancer la machine économique et rétablir une solidarité réelle ». Elles dessinent un projet avec deux grands axes : de la fermeté dans le domaine régalien (sécurité, immigration) et, en économie, une ligne libérale (fin des 35 heures et de l’ISF, retraite à 65 ans) mais redistributive (« baisse des impôts pour tous » dès janvier 2018, avec une diminution générale de la CSG).

« Nous mènerons une politique de “tolérance zéro” en matière de sécurité et de justice », affirme Bruno Le Maire

La première ordonnance envisagée vise à muscler l’arsenal antiterroriste, en assumant une adaptation de l’Etat de droit. Comme M. Sarkozy – et contrairement à Alain Juppé et François Fillon – M. Le Maire entend « instaurer une justice d’exception pour les terroristes », en « consacrant le principe de détention provisoire dans le cas des crimes et délits associés au terrorisme ». Le député de l’Eure préconise également « l’expulsion des étrangers fichés “S” radicalisés », « le maintien en prison des détenus dangereux » ou encore « la création du nouveau délit de non-dénonciation de faits en rapport avec la commission ou la préparation d’actes terroristes ». Autres engagements : évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par une opération d’envergure, démanteler la « jungle » de Calais et les autres « zones de non-droit »« Nous mènerons une politique de “tolérance zéro” en matière de sécurité et de justice », assume-t-il.

La deuxième ordonnance vise à mieux contrôler les flux migratoires, avec des quotas votés par le Parlement et un durcissement « drastique » des conditions du regroupement familial. M. Le Maire se dit favorable à « l’assimilation des étrangers », comme Nicolas Sarkozy, alors qu’Alain Juppé défend, lui, l’intégration. Quant à la lutte contre le communautarisme musulman, un Code de la laïcité devra « regrouper le droit applicable dans un document unique et clarifier les zones d’ombre ». Le port de la burqa dans l’espace public, considéré jusque-là comme une infraction, sera par exemple transformé en délit.

Lutte contre « l’assistanat »

En matière d’emploi, une proposition surprend : celle de créer un « contrat à objet défini » (COD) qui « se substituerait à l’ensemble des CDD existants et qui comprendrait une prime de précarité croissante en fonction de la durée de présence du salarié dans l’entreprise ». M. Le Maire prévoit également une privatisation partielle de Pôle emploi, adoptée par ordonnance à l’été 2017, pour que « l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi soient confiés à des délégataires privés ou des associations dont les résultats seront évalués périodiquement ». Pour restaurer la compétitivité des entreprises, le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sera transformé en baisse des charges patronales. Et à l’automne 2017 est prévue « la suppression de toute charge patronale pendant un an pour toute embauche réalisée par une entreprise de moins de 10 salariés ».

L’ex-ministre affiche sa volonté de lutter contre « l’assistanat », en mettant en place une Allocation de solidarité unique (ASU) « calculée de manière à ce que l’on ne puisse pas mieux vivre de ces allocations que de son travail ». Plafonnée à 60 % du SMIC, cette ASU fusionnerait le Revenu de solidarité active (RSA), l’Allocation de solidarité spécifique (ASS), la prime d’activité, les allocations logement et les droits connexes locaux.

80 milliards d’euros d’économie

Pour financer son projet, le candidat s’engage à réaliser 80 milliards d’euros d’économie sur l’ensemble du quinquennat, en prévoyant notamment la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires en cinq ans.

Par ailleurs, il s’engage à faire table rase de plusieurs réformes emblématiques du quinquennat Hollande. En matière d’éducation, il promet par exemple d’abroger la réforme des rythmes scolaires et celle du collège. En outre, la suppression de la fonction publique territoriale et de l’ENA sont également au menu…

Le projet innove sur la méthode de gouvernement : pour rétablir la confiance entre les gouvernants et les gouvernés, l’ex-directeur de cabinet de Dominique de Villepin s’engage à « rendre des comptes régulièrement sur la mise en œuvre du contrat présidentiel ». Les ministres devront notamment le faire « tous les six mois devant les commissions compétentes des assemblées parlementaires ».

Si ce projet surprend par son volume (plus de 1 000 pages) et son degré de précision, reste à voir si les Français retiendront la multitude de propositions contenues dans ce qui ressemble à un catalogue de promesses électorales. C’est tout le défi de Bruno Le Maire.