Arnold Jerocki / Arnold Jerocki/Divergence

Musique techno à fond, jeunes survoltés, dizaines d’élus présents… Bruno Le Maire a tenté une démonstration de force, dimanche 18 septembre, lors du meeting clôturant sa rentrée politique, à Sète (Hérault). Avec un objectif : enclencher une dynamique de campagne susceptible de modifier le rapport de forces à droite dans l’optique de la primaire pour la présidentielle.

Largement distancé dans les sondages par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, celui qui fait figure de « troisième homme » rêve de se frayer une place en finale du scrutin des 20 et 27 novembre. Alors, le député de l’Eure a ciblé ses concurrents, dans l’espoir qu’un des deux favoris chute dans les deux derniers mois de campagne.

« Je vois bien le duel annoncé à l’avance entre des paroles toujours plus dures, toujours plus brutales, le retour du Kärcher et, de l’autre côté, l’immobilité heureuse », a-t-il lancé, devant près de 2 000 personnes réunies sous un chapiteau, en allusion à l’ex-chef de l’Etat et le maire de Bordeaux. Avant de trancher : « Ce duel ne créera que des déceptions pour les Français. »

L’ex-ministre, qui se pose comme une nouvelle tête sur la scène politique, a de nouveau renvoyé ses aînés au passé. Pour lui, « le véritable débat de la primaire, il est entre l’ancien régime et le renouveau ».

« Le duel Sarko-Juppé n’est qu’une construction médiatique »

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Ses soutiens ont repris l’argument en chœur. « Il faut un homme jeune et de talent pour changer la donne », a déclaré à la tribune le député UDI, Yves Jégo, en citant les exemples de John F. Kennedy et Barack Obama aux Etats-Unis, Tony Blair en Angleterre et Justin Trudeau au Canada. Sans oublier non plus de cibler MM. Sarkozy et Juppé, qui incarneraient, selon lui, « l’hystérie et la léthargie ».

Porte-parole de campagne, le député LR, Damien Abad, y est allé de sa formule, en comparant l’ex-président à « un sosie de Trump » et l’ex-premier ministre à « un faux frère de François Bayrou ». La dureté des attaques du camp Le Maire visent à frapper les esprits. « Il faut qu’on installe la troisième voix et que l’on montre que seul Bruno peut bouleverser le match annoncé », explique M. Abad. « Le duel Sarko-Juppé n’est qu’une construction médiatique », veut croire Jérôme Grand d’Esnon, directeur de campagne du député de l’Eure, persuadé que son poulain peut s’inviter dans le duo de tête en grappillant des voix chez les électeurs indécis.

Lors de son discours, Bruno Le Maire a ciblé précisément le maire de Bordeaux, en soulignant qu’« aucun accommodement raisonnable n’est possible avec l’islam politique ». M. Juppé a utilisé une fois cette expression d’origine québécoise il y a plusieurs mois, mais ne l’utilise plus.

Dépasser l’image de « produit marketing »

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Au-delà des attaques contre ses concurrents, c’est surtout sur son projet que M. Le Maire mise pour s’imposer dans la course à la primaire. La veille, il a présenté « un contrat présidentiel » ultradétaillé pour prouver qu’il dispose de propositions crédibles pour redresser le pays. Pour frapper les esprits, un document de 1 012 pages – pesant près de quatre kilos – a été distribué aux journalistes, comportant un calendrier précis de mises en œuvre des réformes, le véhicule législatif (deux référendums et huit ordonnances sont prévus) et le chiffrage.

Manière de clouer le bec à ses détracteurs, qui l’accusent d’être un « produit marketing », qui ne disposerait que de slogans, comme « le renouveau, c’est Bruno » ou « la primaire, c’est la primaire ». « Je devais rassurer les Français en leur apportant la preuve que je représente une candidature crédible », a confié le candidat à plusieurs journalistes.

Son projet dessine une ligne d’extrême fermeté sur la sécurité et l’immigration (enfermement préventif des fichés S, restauration de la double peine, plan contre les cambriolages, durcissement « drastique » des conditions du regroupement familial, assimilation) et érige la lutte contre « l’assistanat » en priorité (dégressivité des allocations-chômage, aides sociales plafonnées à 60 % du smic).

Prévoyant un plan de 85 milliards euros d’économies, le candidat plaide pour des réformes libérales (retraite à 65 ans, fin des 35 heures et de l’ISF, 500 000 postes de fonctionnaires en moins) tout en promettant « la baisse des impôts pour tous » avec sa proposition de diminuer de 7,5 % à 6 % la CSG. Samedi, il avait rappelé les mesures qu’il rode depuis des mois sur le renouvellement de la classe politique (diminution du nombre de parlementaires, non-cumul des mandats dans le temps…).

Faire du « handicap » une « grande cause »

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Dimanche, Bruno Le Maire a davantage insisté sur son projet de société et sa « vision » pour le pays. Il a alors pris des accents lyriques pour clamer son « amour de la France » et sa volonté de « construire une France juste et fière », citant Rimbaud, Céline ou Jean Moulin. Comme chaque candidat de droite, il a mis en valeur les valeurs du « travail » et de la « famille ». Il s’est, en revanche, distingué en annonçant vouloir faire du « handicap la grande cause » de son quinquennat, comme Jacques Chirac en 2002.

Il a aussi confirmé « ne pas vouloir revenir » sur le mariage homosexuel. En matière de politique étrangère, M. Le Maire plaide – comme François Fillon – pour un réexamen de nos relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite et le Qatar, jugés ambigus dans leurs rapports entretenus avec des groupes islamistes.

Reste à voir si sa tactique et son projet lui permettront de bousculer les favoris. Le temps presse : à deux mois de la primaire, l’ambitieux reste scotché à la troisième place du classement, voire à la quatrième dans certains sondages. L’ex-ministre veut croire que sa détermination fera in fine la différence. Samedi soir, il a lâché devant quelques journalistes : « Maintenant, on se met en mode combat ! »