Etudiants sur le campus de l’université de Nantes (Loire-Atlantique). | UNIVERSITE NANTES / PATRICK MIARA

C’est un coup de canif dans la procédure admission post-bac (APB), qui permet d’effectuer ses demandes d’inscription dans le supérieur. L’université de Nantes a été contrainte par la justice d’accepter l’inscription d’un étudiant en première année commune d’études de santé (Paces), qu’il avait demandé sur APB. Et ce, alors même qu’il avait pourtant accepté une place, également en faculté de médecine, dans l’université des Antilles. Une première.

Ordre des vœux et « inscription effective »

Sur la plate-forme APB, les élèves de terminale ou étudiants en réorientation doivent hiérarchiser les formations du supérieur qui les intéressent, par ordre de vœux. Au mois de juin, à l’issue de la première phase d’admission, l’étudiant nantais avait accepté une proposition de Paces aux Antilles, placée en huitième vœu. Tout en faisant un recours auprès du président de l’université de Nantes pour contester la décision négative concernant son vœu nº 1 d’intégrer sa Paces, aux capacités d’accueil limitées. Un recours irrecevable, selon le président, dans la mesure où l’étudiant avait déjà effectué sa préinscription aux Antilles.

L’étudiant a donc saisi en référé (procédure accélérée) le tribunal administratif de Nantes, qui a estimé que l’acceptation d’un vœu dans une formation ne préjugeait pas de son « inscription effective » (en l’occurrence aux Antilles). Et qu’il existait bien, comme l’étudiant le précisait dans son recours, « un doute sérieux quant à la légalité de la décision » de refus (à Nantes).

En attendant le jugement « au fond » du dossier dans plusieurs mois, l’étudiant a donc été admis à rejoindre les bancs de la fac nantaise.

Capacité d’accueil limitée et sélection à l’université…

En filigrane, on retrouve une fois de plus le débat autour de la sélection à l’entrée de l’université. Une université, dont le premier cycle, la licence, est censé être « ouvert à tous les titulaires du baccalauréat », selon le code de l’éducation. Mais qui, dans les filières en tension – médecine, droit, psychologie, etc. –, est soumise à une sélection qui ne dit pas son nom : dans les licences dont le nombre de places a été limité, les jeunes de l’académie sont prioritaires selon leur ordre de vœux, et quand ils sont trop nombreux, un tirage au sort peut être effectué.

Les candidats en réorientation passe, eux, après les autres. « Il semble que mon client ait été sélectionné sur dossier parce qu’il était en réorientation, explique maître Merlet-Bonnant, l’avocat de l’étudiant, ce qui est illégal. »

Cette ordonnance qui met en doute la légalité du fonctionnement d’APB est la troisième en la matière depuis trois mois. En juillet, le tribunal de Paris, saisi lui aussi en référé, obligeait trois universités parisiennes à réexaminer le refus d’inscription d’un étudiant en réorientation après un BTS. A la fin du mois de juin, le tribunal de Bordeaux jugeait sans fondement légal la procédure de tirage au sort ayant empêché un étudiant d’obtenir une place en Staps (licence de sport) à Bordeaux.

Multiplication des recours et médiatisation

Me Merlet-Bonnant, qui a défendu le recours de Nantes, est l’avocat de l’association Droits des lycéens qui dénonce depuis de longs mois l’opacité des critères utilisés par la plate-forme APB, ainsi que l’absence de texte encadrant la sélection à l’entrée à l’université. Une absence de fondement légal rappelé par l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) elle-même, dans un rapport d’avril.

« Avec la médiatisation des actions de l’association Droits des lycéens, les recours se multiplient depuis plusieurs mois », explique l’avocat. Selon lui, « les élèves de terminale et les étudiants en réorientation prennent conscience qu’ils ne sont pas sans recours face au refus d’inscription dans la formation de leur choix. » Il ajoute : « Cette multiplication des recours obligera un jour ou l’autre le Conseil d’Etat à prendre position sur cette sélection illégale. » Exactement comme il a fini par le faire pour la sélection opérée entre le master 1 et le master 2.

Une décision qui a poussé le ministère à publier en février un décret qui légalise la sélection à l’entrée de plus de 40 % des deuxièmes années de master.