L’escalier du phare de Cordouan, dans l’estuaire de la Gironde, actuellement en cours de restauration. | CC BY SA 4.0

Le couvent des Annonciades, fondé en 1520 à Bordeaux, est ­rarement ouvert au public. Protégé au titre des Monuments historiques, il abrite depuis 1995 la direction régionale des affaires culturelles. Lors des Journées européennes du patrimoine, les 17 et 18 septembre, la jeune Adeline Rabaté, conservatrice, a raconté, pour l’anecdote, que les Sœurs de l’Annonciade y inventèrent le célèbre cannelé. Et surtout détaillé les délicats travaux de restauration réalisés dans le couvent.

Passionnée et opiniâtre, Adeline ­Rabaté, 33 ans, a d’abord dû faire preuve de ces deux qualités pour passer à travers une sélection draconienne, à ­l’issue de laquelle trois à sept candidats seulement sont admis chaque année. Elle en a démontré d’autres pour être récemment promue conservatrice ­régionale. Sa mission générale est la préservation des bâtiments, mais aussi des objets – de l’orgue d’église à la ­tapisserie d’un château – qui présentent un intérêt patrimonial.

Le sens de la diplomatie

Au quotidien, le conservateur des ­Monuments historiques conduit la procédure en vue de l’inscription ou du classement au titre des Monuments historiques. « Nous faisonsle tour des éléments connus et de la documentation, nous examinons l’état de l’œuvre et jugeons de sa représentativité », explique Adeline ­Rabaté. Pour chaque dossier, elle participe à une commission présidée par le préfet, qui réunit, entre autres, le directeur régional des affaires culturelles, des élus et des associations de défense du ­patrimoine. En France, quelque 43 000 immeubles et 120 000 objets ont obtenu un avis favorable de ces commissions. Le conservateur se prononce ­ensuite sur la prévention nécessaire, la restauration ou les aides financières à ­accorder au propriétaire, en lien avec des techniciens, des ingénieurs, des architectes et des agents administratifs.

Ce métier requiert donc le goût du travail en équipe, ainsi que le sens de la ­diplomatie face à des intérêts parfois ­divergents. « Par exemple, il s’agit d’expliquer jusqu’où il est possible de restaurer un bâtiment au propriétaire, à l’association de défense du patrimoine ou au promoteur qui veut y installer un hôtel », ­explique Adeline Rabaté.

Le conservateur doit aussi aimer sillonner les routes pour aller examiner sur place les monuments : « On est en déplacement la moitié du temps, l’autre moitié étant consacrée au travail sur les dossiers. » Adeline Rabaté participe actuellement à la restauration du phare de Cordouan, à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde, qui pose des difficultés en termes d’accès et de ravitaillement. Ces ­défis à relever font aussi le sel du métier.

Se former

Pour devenir conservateur du patrimoine, il faut réussir un concours très sélectif organisé par l’Institut ­national du patrimoine (INP) pour le compte de l’Etat, de la Ville de Paris et, sur la base d’une convention avec le Centre national de la fonction publique territoriale, des collectivités territoriales. Le taux d’admis est inférieur à 5 %. Le recrutement est ouvert dans cinq ­spécialités : archéologie ; ­archives ; monuments historiques et inventaire ; ­musées ; patrimoine scientifique, technique et naturel. Ce concours est accessible dès la licence, mais les ­lauréats possèdent souvent un master ou un doctorat. Beaucoup ont suivi une ­préparation spécifique, ­proposée notamment par l’Ecole du Louvre et par plusieurs universités (Paris-I et Paris-Ouest Nanterre ­conjointement, Paris-IV, ­Paris-VII ou Lyon-II).

Pour accroître la diversité sociale, l’INP offre une classe préparatoire intégrée, organisée en partenariat avec l’Ecole nationale des chartes et l’Ecole du Louvre. Ses élèves, sélectionnés sur ­critères ­académiques et ­sociaux, bénéficient d’un appui financier de 2 000 euros. Après avoir réussi le concours, les ­étudiants suivent une ­formation (gratuite) de 18 mois en alternant cours (droit, économie du patrimoine, gestion publique, conservation-restauration…) et stages.