Avec ses 296 longs-métrages et ses 101 courts-métrages en provenance de 83 pays, le Festival de Toronto (Toronto International Film Festival, TIFF pour les intimes) a maintenu pour son 40e anniversaire et sa 41e édition sa vocation d’exposition universelle du cinéma. Il s’est conclu le 17 septembre par la remise des prix de cette manifestation, qui s’est longtemps définie comme hermétique à la compétition. Le People’s Choice Award (prix du public) qui résulte des votes des spectateurs (480 000 en 2015) à la sortie des salles et en ligne est allé à La La Land, la comédie musicale de Damien Chazelle qui avait été présentée à Venise avant de l’être dans la capitale de l’Ontario. Dans la catégorie documentaire, le prix du public a récompensé I Am Not Your Negro, le beau documentaire que Raoul Peck a construit autour d’un texte de l’écrivain afro-américain James Baldwin.

Pour la deuxième année de suite, le festival s’est écarté de son dogme non compétitif en soumettant quinze films, réunis dans une section baptisée Platform, à la sagacité d’un jury composé des réalisateurs Brian De Palma (Etats-Unis) et Mahamat Saleh Haroun (Tchad) ainsi que de l’actrice chinoise Zhang Ziyi. Cet aréopage a récompensé un autre film vénitien, Jackie, de Pablo Larrain.

Mais contrairement à Cannes, Venise ou Berlin, dont le palmarès reflète, fût-ce a contrario, la programmation, Toronto 2016 ne peut se résumer à cette poignée de récompenses. Tout comme le festivalier peut bâtir son programme sur le thème de son choix – africain, musical, politique, horrifique… –, le journaliste peut extraire une infinité de récits de cette sélection qui n’en est pas tout à fait une. On a déjà parlé dans ces colonnes de la thématique afro-américaine, et sur Lemonde.fr des films venus du sud du Sahara. On peut aussi analyser le festival comme la fin de la première grande étape de la course aux Oscars.

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Lieu des premières mondiales

Qu’ils aient été présentés d’abord à Venise ou à Telluride (manifestation de moindre envergure, organisée dans le Colorado le week-end précédant l’ouverture de Toronto), les gros films américains projetés au TIFF sont tous, en arrivant sur les bords du lac Ontario, des candidats potentiels aux trophées. L’accueil qui leur est fait aussi bien par le public (d’une indulgence proverbiale) que par la critique, détermine en partie le reste de leur course aux statuettes.

C’est ainsi qu’Arrival, de Denis Villeneuve, fable cosmique, a valu assez d’éloges à son interprète principale, Amy Adams, pour qu’elle espère une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. D’autant que la performance de la même Amy Adams dans Nocturnal Animals, de Tom Ford (un autre film passé par Venise), a été mieux accueillie au Canada que sur les bords de la lagune.

En revanche, la réception plus que tiède réservée à une grosse production britannique, A United Kingdom, qui raconte les amours, dans les années 1960, entre l’héritier du trône du Bechuanaland (futur Botswana) et une ressortissante britannique (David Oyelowo et Rosamund Pike), ou à un autre mélodrame transcontinental, Lion, de l’Australien Gary Ross, avec Dev Patel, constitue un sérieux handicap pour ces films.

Le décor d’un conte de fées récurrent

Enfin, Toronto est aussi le décor d’un conte de fées récurrent, qui narre la découverte et la soudaine gloire d’un inconnu. Car si le festival présente des dizaines de films passés par d’autres manifestations (de Sundance, en janvier, à Telluride, en septembre, en passant par Berlin, Cannes, Locarno et Venise), c’est aussi le lieu d’un grand nombre de premières mondiales. Celle de Moonlight, de Barry Jenkins, n’est pas passée inaperçue. La première projection à la presse et aux professionnels de ce film indépendant, tourné dans les ghettos de Miami, n’a pas fait le plein, mais la rumeur qu’elle a suscitée a rempli les séances suivantes.

Découpée en trois époques (l’enfance, l’adolescence et la jeunesse), l’histoire de Chiron, souffre-douleur des enfants d’un quartier où la violence physique est l’un des moyens de communication les plus employés, passe au-delà des clichés, grâce à une mise en scène et un découpage d’une élégance poétique à la fois onirique et précise. Certes, ce film indépendant ne sort pas de nulle part. Il est coproduit par Plan B, la société de Brad Pitt, et si sa distribution fait cohabiter de parfaits inconnus (les trois interprètes du rôle principal), elle donne aussi à la musicienne Janelle Monae l’occasion d’une apparition surprenante et confie à l’actrice britannique Naomie Harris un magnifique rôle de mère toxicomane.

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