Devant le siège de Microsoft à Redmond, aux Etats-Unis. | STEPHEN BRASHEAR / AFP

« Les informaticiens et chercheurs de Microsoft travaillent à “résoudre” le [problème du] cancer ». L’annonce de l’entreprise américaine est ambitieuse et tape-à-l’œil : une manière de se faire remarquer face à ses rivales IBM et Google, qui ont elles aussi investi le champ de la recherche contre le cancer. Mardi 20 septembre, l’entreprise de Redmond a détaillé sur son site quatre programmes visant à aider les cancérologues grâce, notamment, à l’intelligence artificielle.

Une première équipe de chercheurs travaille sur un programme chargé de faire le tri dans l’énorme masse de connaissances relatives au cancer, afin d’en extraire les informations pertinentes pour chaque patient. Un travail fastidieux et complexe, estime Microsoft, qui « nécessite de parcourir des millions d’informations fragmentées » pour trouver celles qui correspondent précisément à chaque cas. « Pour un cancérologue très occupé, qui gère de nombreux patients, c’est simplement impossible. »

L’entreprise espère pouvoir faire gagner du temps à ces médecins en leur fournissant des informations plus ciblées. L’outil à partir duquel travaillent les chercheurs de Microsoft est déjà testé par le Knight Cancer Institute, dans l’Oregon, pour les patients souffrant de leucémie.

Mieux comprendre le cancer

Un autre programme de recherche vise à améliorer l’analyse des radios des tumeurs. « Dans la plupart des cas, l’outil le plus high-tech pour lire ces images est l’œil humain », souligne Microsoft. Efficace pour détecter les tumeurs, mais beaucoup moins pour évaluer avec précision leur évolution, tant les différences peuvent s’avérer subtiles d’une image à l’autre, au point d’être imperceptibles pour l’homme. « Le système sur lequel travaillent les chercheurs pourrait à terme analyser ces radios pixel par pixel pour indiquer au radiologue avec précision à quel point la tumeur a grandi, rétréci, ou changé de forme depuis la dernière radio. »

Une troisième équipe se focalise de son côté sur la création d’algorithmes permettant de mieux comprendre la façon dont se développent les différents cancers, et les raisons expliquant que les patients réagissent différemment aux traitements. L’idée est de fournir à la machine toutes les données d’un patient afin de pouvoir mener virtuellement de nombreuses expériences, comme simuler sa réaction à différents traitements. « Ce type de calcul serait impossible à faire avec du papier et un crayon ou même un programme informatique simple, assure Microsoft. Car il y a énormément de variables dans les millions de molécules, protéines et gènes du corps humain. »

« Programmer la biologie comme les ordinateurs »

Enfin, et c’est là son défi le plus ambitieux et étonnant, Microsoft aimerait créer un outil « qui pourrait un jour permettre aux scientifiques de programmer des cellules pour lutter contre des maladies, y compris le cancer. » Le pari de l’entreprise est de « programmer la biologie comme on programme des ordinateurs ». Microsoft prévient qu’elle n’en est qu’aux tout premiers stades de cette recherche, dont les premiers résultats n’arriveront, s’ils arrivent un jour, qu’à très long terme. « Ce type d’avancée ouvrirait toutes sortes de possibilités dans tous les domaines, qu’il s’agisse de soigner les maladies ou de nourrir le monde avec des semences plus efficaces. » Un type de projet rencontré plus généralement dans les œuvres de science-fiction à tendance dystopique…

Microsoft avait déjà fait parler de ses avancées en juin dans le domaine du cancer. Ses chercheurs avaient publié une étude dans le Journal of Oncology Practice, expliquant qu’ils étaient capables d’identifier des personnes souffrant du cancer du pancréas avant même qu’elles ne soient diagnostiquées, en analysant leurs requêtes sur Bing, le moteur de recherche de Microsoft.

Inquiétudes

Plusieurs géants de l’informatique s’intéressent de près à la lutte contre le cancer. Le mois dernier, DeepMind, l’entreprise de Google spécialisée dans le « deep learning » – une méthode d’apprentissage des machines très efficace – avait annoncé un partenariat avec des hôpitaux londoniens pour faciliter les traitements du cancer de la tête et du cou. IBM s’est de son côté positionnée très tôt dans le domaine de la santé et de la lutte contre le cancer avec son programme d’intelligence artificielle Watson, qui suggère des diagnostics et des traitements aux médecins.

Grâce à leurs énormes moyens financiers, la puissance de calcul inédite de leurs machines et leurs technologies d’intelligence artificielle parmi les plus avancées au monde, ces entreprises peuvent potentiellement permettre des avancées dans le domaine médical. Mais l’idée que des entreprises privées s’intéressent à un sujet aussi fondamental et sensible que la santé soulève aussi des inquiétudes, notamment sur la question des données personnelles des patients. Au printemps dernier, Google DeepMind avait ainsi fait l’objet d’une polémique : l’hebdomadaire New Scientist avait révélé qu’elle avait eu accès à 1,6 million de dossiers médicaux de patients dans le cadre d’un partenariat avec des hôpitaux londoniens, sans que les malades n’aient été prévenus.