La présidente de la Fed, Janet Yellen, mercredi 21 septembre, à Washington. | SAUL LOEB / AFP

Une croissance qui ralentit, un marché de l’emploi qui ne s’améliore pas aussi vite que prévu et une inflation toujours contenue : il n’en fallait pas plus pour que la Réserve fédérale américaine (Fed) renonce, une fois de plus, à relever ses taux d’intérêt. La banque centrale a en effet décidé, mercredi 21 septembre, de maintenir le loyer de l’argent dans une fourchette de 0,25 % à 0,50 %. Toutefois, le langage utilisé laisse clairement entrevoir qu’un resserrement monétaire pourrait être décidé lors de la réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) de décembre.

« Nous estimons que les conditions pour un relèvement [des taux] se sont renforcées », a expliqué Janet Yellen, la présidente de la Fed, lors d’une conférence de presse, tout en soulignant que « pour l’instant » elle préférait « attendre une poursuite des progrès vers nos objectifs ». Néanmoins, l’institution estime que les risques à court terme sur les perspectives économiques sont « à peu près équilibrés ».

L’emploi de ce terme n’est pas anodin. La dernière fois qu’il était apparu dans le communiqué de la Fed c’était fin 2015, c’est-à-dire la dernière fois que les taux ont été relevés. « La Fed semble en très bonne voie pour relever ses taux en décembre », en conclut Paul Ashworth, chef économiste chez Capital Economics.

Trop de temps partiels subis

En attendant, l’institution reste concentrée sur les deux objectifs de son mandat, à savoir le retour au plein-emploi et une inflation de 2 %. Sur le premier, la Fed estime que les créations d’emploi se poursuivent à un rythme solide, mais elle paraît un peu moins optimiste qu’auparavant sur la réduction du taux de chômage. Les dernières prévisions tablaient sur 4,7 % d’ici la fin de l’année. Le chiffre est désormais relevé à 4,8 %, soit 0,1 point de moins que celui publié en août.

La Fed reste attentive à la faiblesse du taux de participation au marché du travail, qui semble toujours indiquer qu’un certain nombre d’Américains en âge de travailler se tiennent en retrait par découragement. Dans le même temps la banque centrale estime qu’il y a encore trop de temps partiels subis.

Même prudence pour l’inflation. En juin, la Fed visait 1,4 % fin 2016, mais désormais la hausse des prix devrait être limitée à 1,3 %, s’éloignant encore un peu plus de l’objectif des 2 % qui, selon les dernières prévisions ne devrait être atteint qu’en 2018. Enfin la banque centrale est aussi un peu plus pessimiste sur la croissance américaine, qui devrait péniblement atteindre 1,8 % en 2016, alors que, jusqu’à présent elle avançait le chiffre de 2 %.

A ce propos, Mme Yellen a fait part de ses interrogations sur l’investissement des entreprises qui a été « assez faible depuis un certain temps et nous ne sommes pas vraiment certains de ce qui est à l’origine de cela », a-t-elle avoué. Par ailleurs, l’activité dans l’industrie est tombée en territoire négatif en août et dans les services elle a atteint son plus bas niveau depuis 2010. Enfin les achats des ménages ont baissé après quatre mois de gains consécutifs.

Trois gouverneurs en dissidence

Malgré ce contexte, la pression pour un relèvement des taux d’intérêt n’a jamais été aussi forte. Pas moins de trois gouverneurs sont entrés en dissidence. Du jamais vu depuis que Mme Yellen a pris les commandes de la Fed en février 2014. Si Esther George, la présidente de la Fed de Kansas City, est restée cohérente avec ses votes précédents, deux autres gouverneurs sont venus rejoindre le clan des contestataires du statu quo : Loretta Mester, la présidente de la Fed de Cleveland et Eric Rosengren, son homologue de Boston. Tous les trois auraient été favorables à un relèvement immédiat d’un quart de point des taux d’intérêt. M.Rosengren s’est récemment exprimé publiquement pour dire que le maintien prolongé d’une politique monétaire aussi accommodante était susceptible de créer des bulles spéculatives notamment dans l’immobilier commercial.

Un argument auquel Mme Yellen a répondu au cours de sa conférence de presse, estimant que les risques qui pèsent sur la stabilité financière sont actuellement « modérés ». Selon elle, la valorisation des actifs est en ligne avec les standards historiques, même si, effectivement, les prix de l’immobilier commercial sont élevés. Mais la présidente de la Fed constate dans le même temps que les conditions d’obtention de prêt sont de plus en plus difficiles et que les recours aux effets de leviers ou au rallongement des échéances n’ont rien à voir avec ce qu’ils étaient avant la crise des subprimes. « L’économie n’est pas en surchauffe », a-t-elle martelé, indiquant que les marges de manœuvre pour la laisser croître sont « un peu plus grandes que ce que nous pensions ».

La Fed dispose encore de trois mois pour se convaincre d’agir. La plupart des observateurs considèrent en effet que l’institution passera une nouvelle fois son tour lors de sa prochaine réunion de novembre, qui se situe une semaine avant l’élection présidentielle américaine. Un contexte peu propice pour prendre un nouveau virage monétaire. Mais on finit par se demander si, d’ici décembre, d’autres aléas ne vont pas survenir et avoir raison du volontarisme mesuré dont a fait preuve Mme Yellen mercredi.