Gerwald Claus-Brunner (à droite), avant l’ouverture d’une première session du conseil local de Berlin, le 27 octobre 2011. | ODD ANDERSEN / AFP

Le navire des « Pirates » berlinois prenait l’eau. Il risque maintenant de faire naufrage. Dimanche 18 septembre, leur parti, qui prône notamment l’accès libre aux données publiques, la légalisation de la marijuana ou la fin des amendes dans les transports en commun, avait déjà essuyé un revers : 1,7 % des voix, cinq fois moins qu’en 2011, avec pour conséquence la disparition de son groupe au Parlement régional, faute d’avoir atteint les 5 % nécessaires.

Depuis, le parti vit un cauchemar. Lundi midi, Gerwald Claus-Brunner, l’un de ses 15 élus battus la veille, connu pour ses salopettes colorées et les foulards bariolés qui recouvraient sa tête, était retrouvé mort électrocuté dans son appartement de Berlin. Très vite, le suicide a été confirmé.

Agé de 44 ans, l’homme n’avait pas fait mystère de ses intentions : le matin même était arrivé au siège du parti un courrier dans lequel il annonçait son geste. Chacun comprit alors qu’il aurait fallu prendre à la lettre son dernier discours, prononcé le 23 juin devant le Parlement de Berlin : « Après le 18 septembre, vous regretterez la disparition du groupe auquel j’appartiens. Je vous le dis : lors de la première séance plénière de la prochaine assemblée, vous vous lèverez pour faire une minute de silence. »

« Homme politique et criminel sexuel ! »

L’histoire se serait sans doute arrêtée là si un deuxième corps n’était venu s’ajouter au premier. Dans l’appartement, la police a identifié un autre cadavre, celui d’un jeune homme de 29 ans, un certain Jan Mirko L. dont il a été révélé, au bout de vingt-quatre heures, qu’il était un ancien collaborateur de Gerwald Claus-Brunner. Les enquêteurs soupçonnent les deux hommes d’avoir eu une relation. Ce nouvel élément a donné à l’affaire une tout autre tournure. Mardi, le quotidien populaire Bild ne consacrait qu’un petit encadré, en page 6, à la « mort dramatique d’un Pirate en turban ». Mercredi, il en faisait sa « une », sous le titre : « Homme politique et criminel sexuel ! »

Trois jours après la découverte des deux corps, la chronologie des faits a été établie de façon assez précise, même s’il reste des zones d’ombres, notamment sur le fait de savoir si le jeune homme a été violé. C’est vraisemblablement dans la nuit de jeudi à vendredi, dans son appartement de Wedding, quartier situé au nord de Berlin, qu’il aurait été tué. Son meurtrier présumé l’a ensuite ramené chez lui, à Steglitz, un autre quartier de la ville, à une dizaine de kilomètres au sud. Selon plusieurs journaux, le corps aurait traversé Berlin ligoté sur un chariot.

M. Claus-Brunner, lui, ne se serait pas suicidé tout de suite : il a été aperçu samedi après-midi par un de ses voisins qui promenait son chien. La veille, il avait envoyé ses deux derniers tweets : « Une vraie journée de merde aujourd’hui, ça dépasse toutes les sales journées que j’ai vécues jusque-là. J’espère que ça ira mieux ce week-end. » Puis, avec la photo du jeune homme en pièce jointe : « Mon amour, ma vie, pour toi cher garçon aux jolis cheveux, pour toujours et à jamais. »