Jacques Attali, initiateur du LH Forum. | ERIC FEFERBERG/AFP

Après cinq ans de plaidoyers en ­faveur d’une « économie positive », l’indifférence ou les sarcasmes des sceptiques se font bien plus discrets. Des Prix Nobel d’économie, des chercheurs renommés, aux Etats-Unis comme en Europe, ont dit l’urgence de mesurer autre chose que la seule richesse ou le niveau de production, pour se donner une chance de ­répondre aux défis qui ­assaillent le monde.

Penser le long terme, passer toutes les décisions des grands ­acteurs publics ou privés au prisme de l’intérêt des générations futures, travailler à l’amélioration de la ­qualité de la vie, à celle du travail, ou au bonheur collectif, autant de ­tâches qui ne font plus sourire. ­Certes, tout le monde ne passe pas encore aux travaux pratiques, mais la dynamique commence à prendre dans ­l’économie réelle.

En France, pour mesurer les premiers progrès, Jacques Attali, qui a lancé le mouvement, et Edouard Philippe, député et maire du Havre, organisent le cinquième Forum de l’économie positive dans la ville portuaire, du 13 au 17 septembre. Un mélange de conférences, de débats, de témoignages et… de méditation ! L’avocate Julia Olson sera là : elle défend 21 jeunes Américains âgés de 8 à 19 ans, qui ont intenté un procès au gouvernement des Etats-Unis et à ­diverses agences fédérales. Motif : en aggravant le dérèglement climatique, le gouvernement viole le droit des jeunes générations à vivre.

L’écrivain Salman Rushdie parlera de l’obscurantisme et de ses ravages. Le grand couturier Christian Lacroix présentera son premier défilé depuis dix ans. En avril, le créateur est allé fouiller dans les conteneurs du Havre, il a pioché dans les tissus collectés par une entreprise d’insertion et a dessiné des modèles cousus par les élèves de 1re du lycée Jules-Le-Cesne. Les couturières, mannequins d’un jour, défileront pendant le Forum.

Le même jour, Angus Deaton, Prix Nobel d’économie, plaidera en ­faveur d’un retour massif de l’investissement public, juste après une ­intervention de la consultante Coco Brac de la Perrière sur la méditation en pleine conscience.

Ce cocktail étonnant, c’est l’économie positive comme l’aime Jacques Attali. Il y a trois ans, l’économiste avait surpris en proposant chaque matin une séance de méditation. En 2016, on y refuse du monde. Au fil des ans, Attali a façonné un forum éclectique, mélange de start-up du secteur collaboratif et d’économistes de haut vol, de philosophes et de ­navigateurs écolos. Seul fil rouge : le bien-être des générations futures.

L’économie positive de Jacques ­Attali, un peu comme l’économie du bien-être de Joseph Stiglitz, est un mélange de données statistiques ­objectives et d’opinions subjectives. En économie positive, mesurer l’amitié, la confiance, l’altruisme, est aussi essentiel que de quantifier le taux d’endettement ou le montant investi en recherche et développement.

L’enjeu, maintenant que ces indices sont définis pour les nations, les ­collectivités et les entreprises, est de les populariser. L’atout de l’indice de positivité tient à sa simplicité et à son évidence. Chacun comprend l’impact de toute action sur la génération qui suit. Sa faiblesse : il repose sur une transparence qui n’est pas la qualité première des entreprises françaises et des collectivités. C’est tout le défi.

Le LH Forum est organisé en partenariat avec Le Monde.