Le chantier de « La Seine musicale » à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). | LAURENT BLOSSIER

« Ça y est, on y est ! », s’est exclamé Romain Hussenot, ancien journaliste de LCI passé chez TF1, dans le rôle du maître de cérémonie pour l’annonce officielle du nom et la présentation de la cité musicale des Hauts-de-Seine, mercredi 21 septembre à Boulogne-Billancourt. Après avoir entretenu un mini-suspense, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, a déclaré que le lieu, qui doit être inauguré le 22 avril 2017, s’appelle officiellement « La Seine musicale ».

Reste à savoir si le public retiendra ce nom-là plutôt que « l’île Séguin », appellation d’origine du site où subsiste le souvenir des usines Renault, ou bien « le Paquebot » pour la forme générale du bâtiment et sa proue en aval du fleuve. Ou encore « l’Œuf », en raison de la forme singulière du bulbe à croisillons – avec une voile protectrice parsemée de capteurs solaires – qui coiffe le vaste coffre de béton gris de 35 000 m2 réalisé par l’architecte japonais Shigeru Ban et son associé français Jean de Gastines.

C’est la première institution culturelle française à faire l’objet d’un partenariat public-privé (PPP)

La construction de « La Seine musicale » a coûté 170 millions d’euros. C’est la première institution culturelle française à faire l’objet d’un partenariat public-privé (PPP). Les Hauts-de-Seine ont financé le projet à hauteur de 120 millions d’euros, le reste a été apporté par des privés. On n’en saura pas davantage sur le coût de fonctionnement du nouveau navire amiral de l’Ouest parisien, qui devrait revenir au département au bout de trente ans. « C’est un contrat complexe dont il est difficile de donner pour l’heure le détail, a déclaré Patrick Devedjian. Les chiffres seront publiés, plus tard… »

Le chantier de « La Seine musicale » à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). | LAURENT BLOSSIER

« L’esprit de la fête »

« Je dois trouver des partenaires pour que le programme puisse exister. La nécessité est mère de l’invention », a confié Jean-Luc Choplin, le président du comité de programmation et de direction artistique de STS Evénements. Cette entité, dont TF1 Entertainment est l’actionnaire majoritaire, aux côtés de la division sports et loisirs de la Sodexo, est également en charge de l’exploitation commerciale du site. « La Seine musicale, c’est avant tout l’esprit de la fête, une aventure, un lieu où toutes les musiques sonnent et dissonent », s’enthousiasme l’actuel directeur du Théâtre du Châtelet à Paris, qui rendra son tablier le 31 décembre.

Jean-Luc Choplin est le maître à bord de cette nouvelle cité de la musique, dotée de deux salles. L’une, très grande, a une capacité pouvant varier de 4 000 à 6 000 spectateurs. L’autre, plus petite, est un auditorium de 1 150 places qui accueillera des résidences, dont celle de Laurence Equilbey et de son Insula orchestra (un ensemble d’instruments d’époque créé en 2012 avec le soutien du conseil départemental des Hauts-de-Seine), mais aussi de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, chœur d’enfants de l’Opéra de Paris fondé en 1985 et dirigé par Gaël Darchen.

Jean-Luc Choplin, président du comité de programmation : « Il s’agit d’en faire une destination, pas seulement un lieu de concerts »

Laurence Equilbey aura la responsabilité de programmer une quarantaine de concerts annuels en corrélation avec son coprésident. Sont annoncés des formats inédits : concerts « flash » ou au contraire « fleuves » ; « sets » d’une heure, assortis d’avant-concerts et d’« after » pour les 17-26 ans. A l’affiche, Schubert (des lieder avec orchestre), Haydn (La Création, mise en scène par les Catalans de La Fura dels Baus), un « festival Mozart maximum ». Robinson surprise dans l’île Séguin, le contre-ténor Philippe Jaroussky y animera sa propre Académie musicale, « un projet à caractère pédagogique et social », dit-il, histoire d’aider une cinquantaine de chanteurs et instrumentistes issus des conservatoires (jeunes de 7 à 12 ans ou adultes de 18 à 25 ans) à se faire une place dans le domaine de la musique classique.

Rendre la musique accessible à tous, la faire vivre sous toutes ses formes : le vertueux credo affiché par La Seine musicale fera également de l’auditorium un lieu d’accueil pour le jazz, la world music, les musiques électroniques, les opéras de chambre, les collectifs d’artistes, et les spectacles de création mêlant musique et vidéo. Il y aura aussi Haendel et Hendrix pour l’Ensemble Matheus, Rossini avec les dessins animés de Tex Avery, des « battles » d’orchestres, parfois à distance, des ciné-concerts, des feuilletons musicaux (à la manière des séries TV) et des concerts-promenades. Place sera aussi faite à la musique des jeux vidéo et à celle des îles (Trinidad, la Réunion…) : « Rien ne sera interdit, et tout le monde sera traité à égalité », assure Jean-Luc Choplin.

Le chantier de « La Seine musicale » à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). | LAURENT BLOSSIER

Ultraconnecté

C’est lui qui préside, seul aux manettes, le « big concert hall », soit deux ou trois spectacles par an issus du théâtre musical et de la comédie musicale (l’un des axes importants de la programmation), sans oublier le rock et la variété française et internationale. On nous promet en juin 2017 un festival sud-africain avec l’Opéra de Cape Town ; en juillet, la compagnie de danse d’Alvin Ailey, et, à l’automne, West Side Story, de Bernstein.

La première création maison devrait être une comédie musicale tirée du film de Gavin Hood Mon nom est Tsotsi. Sans parler des projets avec l’Afrique de l’Ouest, Bollywood, le Brésil… Jean-Luc Choplin insiste sur la vocation internationale d’un lieu ultraconnecté avec les nouveaux performing arts centers du XXIe siècle (lieux de spectacles multicartes, comme le Culture Shed de New York qui ouvrira en 2019), les grands festivals, événements musicaux et chorégraphiques mondiaux.

Terre d’accueil pour musiques migratoires, muse en dialogue avec la planète culturelle, la Seine musicale aura aussi pour vocation de soutenir la pratique amateur (chorales, musiques actuelles, spectacles dramatiques, chorégraphiques…) grâce à ses studios de répétition et d’enregistrement. Une rue couverte de 230 mètres, avec boutiques et restaurants, ponctuée par des installations de plasticiens et des expositions, complétera ce modèle culturel qui mêle mission de service public et opérateurs privés. Avec ses « 200 levers de rideau », les sirènes de La Seine musicale espèrent bien attirer leur public : « Il s’agit d’en faire une destination, pas seulement un lieu de concerts », renchérit Jean-Luc Choplin.