En principe, seules les organisations syndicales représentatives peuvent participer à la négociation d’accords collectifs d’entreprise par l’intermédiaire d’un salarié qu’elles désignent comme délégué syndical (DS). Or, ces DS ne sont désignés que dans les entreprises d’au moins cinquante salariés.

En pratique, même lorsque ces seuils sont atteints, les vocations sont rares. Selon une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), plus de 50 % des établissements employant de 50 à 99 salariés sont dépourvues de délégués syndicaux.

Banalisation des « modes supplétifs »

Alors comment faire dans ce cas ? Toute négociation est-elle purement et simplement écartée ? Non. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à la banalisation de ce que les spécialistes appellent les « modes supplétifs » de négociation collective. Autrement dit, les modes de négociation et de conclusions d’accords, lorsqu’il n’existe pas de délégué syndical.

Cela peut prendre la forme d’un mandatement d’un salarié de l’entreprise par une organisation syndicale en vue de signer un accord collectif, ou bien encore de la conclusion d’accords avec des élus comme un délégué du personnel ou un membre du comité d’entreprise.

L’idée est de ne pas priver les entreprises dépourvues de DS de l’accès à la négociation collective. Ceci est d’autant plus nécessaire que de nombreuses modalités d’organisation du temps de travail ne peuvent être mises en œuvre qu’à la condition d’être prévues par des accords collectifs (par exemple l’annualisation ou les forfaits jours).

En 1995, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la politique contractuelle avait ouvert la voie. Le dispositif a, par la suite, été complété par les lois Aubry sur le temps de travail – celles du 4 mai 2004 et du 20 août 2008 –, puis par la loi relative au dialogue social du 17 août 2015 (dite loi Rebsamen), et en dernier lieu, par la loi travail du 8 août, dite loi El Khomri.

Priorité est donnée aux élus mandatés

La loi Rebsamen avait instauré une double priorité qui demeure avec la loi travail.

Premièrement, la priorité est accordée à la négociation avec les élus lorsqu’il en existe.

Il peut y avoir recours aux salariés non élus mandatés par une organisation syndicale qu’à la condition qu’aucun élu ne se manifeste, ou qu’il y ait eu carence aux élections, ou encore que l’entreprise compte moins de 11 salariés. Et la négociation ne peut porter que sur certains thèmes (ceux dont la mise en œuvre était expressément conditionnée à la conclusion d’un accord collectif : mise en place du travail de nuit, forfait jours, etc.).

Deuxièmement, la priorité est donnée aux élus mandatés sur les élus non mandatés. L’employeur peut conclure avec des élus non mandatés qu’à défaut d’élus mandatés. Les accords sont alors doublement encadrés : les thèmes de négociation sont limités et l’accord est contrôlé par la convention de branche.

La loi travail apporte des retouches significatives au dispositif. Désormais, à partir du moment où un salarié est mandaté par une organisation syndicale, qu’il soit élu ou non, il lui est possible de signer un accord d’entreprise quel que soit le thème. Seuls demeurent soumis à un « accès restreint », les accords négociés et conclus avec des élus non mandatés.

Pour information et non plus pour validation

Puis la conclusion d’accords avec des élus non mandatés est simplifiée. Jusqu’ici, leur validité était subordonnée à deux conditions.

Premièrement, les élus devaient être titulaires et représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections dans l’entreprise. Cette condition ne change pas.

Deuxièmement, ces accords devaient être approuvés par une commission paritaire de branche, qui devait vérifier que l’accord d’entreprise n’enfreignait pas les dispositions légales et conventionnelles. Désormais, les accords devront uniquement être transmis à cette commission pour information et non plus pour validation.

Avec ces nouvelles cartes en mains, libre aux entreprises dépourvues de délégué syndical de sauter le pas.

Stéphanie Guedes da Costa, avocate associée (www.flichygrange.com)