• Noura Mint Seymali
    Arbina

Pochette de l’album de Noura Mint Seymali, « Arbina ». | GLITTERBEAT RECORDS/DIFFER-ANT

Puissante, tendue ou assouplie de mélismes (figures mélodiques de plusieurs notes portant une syllabe), hissée vers l’aigu ou louvoyant dans le grave, la voix de Noura Mint Seymali perpétue dans des couleurs contemporaines l’héritage dont elle est dépositaire. Issue d’une lignée d’iggawin (équivalent mauritanien des griots ouest-africains) elle a appris à chanter en accompagnant ses aînées dans les mariages. Notamment sa belle-mère, Dimi Mint Abba (1958-2011), la première chanteuse de Mauritanie à développer une florissante carrière internationale. La trame de son univers musical est l’œuvre d’un trio de configuration rock (guitare, basse, batterie) jouant sur la répétition de motifs simples, et créant ainsi une sensation de transe qui amplifie l’effet hypnotique des cercles tracés par sa voix. Rapprochant chants dévotionnels, conseils aux femmes (qu’elle appelle notamment à ne pas négliger le dépistage du cancer), ode à la musique porteuse de poésie (« un baume, une arme, un guide pour éclairer l’esprit des hommes », disent les paroles de Richa, un poème écrit par son père), Arbina est son deuxième album. Patrick Labesse

1 CD Glitterbeat Records/Differ-Ant.

  • Daniil Trifonov
    Transcendental
    Franz Liszt : Etudes d’exécution transcendante S.139. Deux Etudes de concert S.145. Trois Etudes de concert S.144. Grandes Etudes de Paganini S.141.

Pochette de l’album de Daniil Trifonov, « Transcendental ». | DEUTSCHE GRAMMOPHON

A 25 ans, le petit génie du piano russe n’en finit pas d’éblouir la planète. On passerait sur l’inévitable évocation de sa fantastique virtuosité si elle ne ciselait la musique avec autant d’intelligence et une inventivité transcendante. Fluidité de source, science alchimique des équilibres, absence d’enchère expressive ou d’extraversion, sont au service d’un singulier assemblage d’enfance mutine et de gravité. Le Liszt de Daniil Trifonov allie puissance et charme, mystère et légèreté, joué dans un triomphe du jeu, l’euphorie d’une quasi-improvisation, vertige de son, plaisir des couleurs, du silence même. Quelques menus péchés de jeunesse ? Définitivement pardonnés. Marie-Aude Roux

2 CD Deutsche Grammophon.

  • Louis-Jean Cormier
    Les Grandes Artères

Pochette de l’album de Louis-Jean Cormier, « Les Grandes Artères ». | SIMONE RECORDS/YOTANKA/PIAS

D’abord chanteur du groupe Karkwa (quatre albums entre 2003 et 2010), Louis-Jean Cormier avait alors démontré que l’effervescence rock montréalaise, portée par des anglophones tels Arcade Fire, ne perdait rien de sa puissance en s’exprimant en français. Dorénavant en solo, le Québécois continue d’impressionner en conciliant souci du verbe et musique dont le panache évoque plus souvent les traditions anglo-saxonnes que les cousins hexagonaux. Après le succès canadien de son premier opus en solitaire – Le Treizième Etage (2012) –, Cormier avait publié Les Grandes Artères (2015), enfin distribué chez nous. Entouré d’une instrumentation plus proche du folk, le timbre s’écorche sur des complaintes amoureuses possédant un souffle de road-movie. Banjo et cuivres, rappelant les blues balkaniques de Beirut, s’enrichissent de vibrations épiques qui, malgré quelques surcharges (Le jour où elle m’a dit je pars), s’envolent souvent vers des sommets (Si tu reviens, St-Michel ou l’électrisante reprise de Complot d’enfants de Félix Leclerc). Stéphane Davet

1 CD Simone Records/Yotanka/PIAS.

  • The Pirouettes
    Carrément carrément

Pochette de l’album de The Pirouettes, « Carrément carrément ». | KIDDERMINSTER RECORDS

D’abord écouté un peu rapidement, ce premier album du duo The Pirouettes (soit Leo Bear Creek et Vickie Chérie, a priori des pseudonymes) avait accroché l’oreille. En y revenant, l’enthousiasme initial est tempéré par le recours à une instrumentation limitée à l’emploi un peu mécanique de claviers et de boîtes à rythmes et un marquage temporel guère varié dans des sons synthétiques des années 1980. Le disque tient toutefois par trois chouettes chansons, L’Escalier, Je nous vois et Dans le vent d’été. La première en particulier est un petit modèle de fantaisie pop à la française, avec une mélodie lisible et une jolie complémentarité de deux voix. La deuxième, tant sur le plan mélodique que par son texte au ras des pâquerettes, a tout d’un savoureux pastiche des gnan-gnanteries façon Michel Berger et France Gall. La troisième, par son aspect aérien et aéré, minimaliste, laisse une impression de plaisante rêverie. Sylvain Siclier

1 CD Kidderminster Records.

  • 4dB
    Rokh

Pochette de l’album du groupe 4dB, « Rokh ». | GREAT WINDS/MUSÉA

Fondé en 2013, le quartette 4dB, au nom initiales de son leader le guitariste Damien Boureau, a récemment enregistré un premier album, Rokh, belle surprise de la rentrée. Avec à la fois des éléments de jazz voyageur proches de Pat Metheny, notamment dans ses inspirations d’ambiances venues du Brésil (Nouvelle Vague), des rythmiques d’Afrique de l’Ouest (J.R.) et des éléments du rock progressif britannique du début des années 1970, du côté d’Hatfield and The North ou de National Health, les voix en moins (Eclosion, Réflexion). L’alliance des timbres entre la guitare et les claviers (Thomas Cassis) et la fluidité du duo rythmique (Olivier Michel, basse, Quentin Rondreux, batterie) sont les points forts du groupe. Auxquels on ajoutera une capacité bien menée à travailler sur des ruptures de climats. Ce que font entendre les deux plus longues et intéressantes compositions de l’album, Hello Mister Bond et No Jazz For Old Men. S. Si.

1 CD Great Winds/Muséa.

  • André Minvielle
    1 Time

Attention, chef-d’œuvre ! Vocaliste, vocalchimiste, chanteur exquis, batteur, bretteur, guetteur gai, rappeur gascon, squatteur véloce, Minvielle n’aligne pas les albums et les shows en tremblant. Il continue. Minvielle est l’air du temps. Il poursuit son chemin, sous la houlette de Lubat et Nougaro. 1 Time trace le sillon de Canto ! et de L’ABCD’erre de la Vocalchimie. Minvielle fait son boulot. Ouvrier un jour – horloger de précision, le jour, musicien de bal la nuit – ouvrier toujours. Désormais, il travaille en bande et en sampleur. Magnifiquement produit par Georges Baux, Minvielle dialogue avec les sons, les machines, les cuivres, les voix (Abdel Sefsaf), Juliette, sa fille. Armé de sa « minvielle à roue », machine irrésistiblement ingénieuse, il joue à jouer. 1 Time (l’intime) est un formidable accélérateur d’accent. Tout est soigné comme un jardin béarnais. Prodigieuse construction sonore digne de Tinguely, Nougaro, Bobby Lapointe et Prévert. En un temps dominé par les fameux experts, il est plus que salutaire qu’un autodidacte ivre de trente ans d’expériences (« l’expérience ? un peigne pour chauve ») fasse claquer les mots en douce et en swing. Griot gascon ? Non, chanteur populaire, trois fois chanteur, acteur drolatique sans ego, auteur d’un objet précieux : car tout est soigné dans ce coffret de luxe. Francis Marmande

1 CD L’Autre Distribution.