Un sondage New York Times/CBS News indique que 83 % des électeurs enregistrés ont l’intention de regarder les échanges de lundi. | WIN MCNAMEE / AFP

Lundi 26 septembre, les deux principaux candidats à l’élection présidentielle du 8 novembre, la démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump se feront face sur le plateau de la chaîne américaine NBC pour le premier des trois débats d’avant scrutin.

Quels sont les principaux enjeux pour chacun des candidats ?

Le premier débat, et les deux qui le suivent, les 4 et 9 octobre, ont une utilité, rappelle CNN : il s’agit d’« éliminer l’adversaire ».

Pour Hillary Clinton, la barre est placée assez haut. Il lui faut tourner la page d’un mois de septembre calamiteux marqué par son arrêt maladie, note Politico. Elle doit parvenir à montrer que Donald Trump n’a pas l’étoffe d’un président, qu’il est instable, n’est pas digne de confiance, n’a aucune idée de la responsabilité qui repose sur les épaules du président et que, fondamentalement, il est dangereux pour le pays.

Pour Donald Trump, la barre est placée moins haut. S’il parvient à se contenir, à ne pas être vindicatif, le changement sera perçu comme une évolution majeure, vers un candidat ayant l’étoffe d’un président. Face à Hillary Clinton, sa mission est plus simple : il doit s’efforcer de faire passer l’idée que la candidate démocrate est une menteuse, qu’elle n’est pas aussi compétente qu’elle le prétend et qu’elle ne se conduit pas en chef d’Etat.

Comment les candidats ont-ils préparé ce rendez-vous ?

Lundi soir, tout peut arriver : Donald Trump peut perdre son calme, être à court d’idées sur les sujets imposés par Lester Holt. Sans prompteur pour le discipliner, Donald Trump sera moins prévisible. Selon le Washington Post, il n’a pas préparé outre mesure la rencontre qui permet aux candidats de développer leurs idées.

Le seul étalon dont disposent les observateurs est les débats auxquels le candidat a participé lors des primaires républicaines, note CNN. La chaîne insiste sur le fait que le magnat de l’immobilier est capable de prendre les commentateurs à leur propre jeu.

A contrario, Hillary Clinton semble prête à toutes les éventualités de la part de Donald Trump, poursuit le Washington Post. Elle a répété, avec plusieurs « sparring partners ». L’entourage de la candidate a dit espérer que Lester Holt, le modérateur du débat, assumera sa fonction et contredira le candidat dans ses approximations, faute de quoi, ce dernier sera avantagé.

Le risque pour Hillary Clinton est d’offrir un angle d’attaque à Donald Trump. Elle est un animal politique classique dans un monde de téléréalité, avec l’un de ses représentants les plus assumés, analyse encore Politico. Une réponse cassante ou mal assurée de la part de la candidate, et il pourra lancer une riposte cinglante.

Pour les deux candidats, il s’agira d’orienter le débat hors des sujets dont les médias abreuvent les Américains : la santé de Hillary Clinton et son serveur de messagerie privée, pour la candidate démocrate ; les dérapages des Donald Trump pour le candidat républicain, comme l’écrivait l’un des responsables de Gallup dans le New York Times.

Si l’un des deux parvient à recentrer le débat sur les défauts de son adversaire, elle ou il pourra espérer provoquer un changement dans la course et faire mentir la science politique.

Ce débat intéresse-t-il les Américain(e)s ?

Une chose est certaine, le public sera là, l’événement étant retransmis sur C-SPAN, ABC, CBS, FOX et NBC, sur les chaînes du câble CNN, Fox News et MSNBC, sur Facebook, Youtube et Twitter.

Le New York Times estime que l’audience pourrait facilement dépasser le record des 80 millions de téléspectateurs du débat de 1980 entre Ronald Reagan et Jimmy Carter. Un sondage New York Times/CBS News [question 57] indique que 83 % des électeurs enregistrés ont l’intention de regarder les échanges de lundi qui pourrait avoir l’audience d’un Super Bowl ou du dernier épisode de M.A.S.H., en 1983, avec 125 millions de téléspectateurs.

Premier indice du probable intérêt du public : au début du mois, près de 15 millions de téléspectateurs ont suivi le « Commander in Chief Forum » sur NBC et MSNBC, où Donald Trump et Hillary Clinton ont été tour à tour interrogés par Matt Lauer sur les questions de sécurité nationale.

Par ailleurs, des marques comme le constructeur automobile Audi ou les bières Tecate ont conçu des publicités évoquant le débat de la soirée.

Ce face-à-face peut-il avoir un impact sur la campagne ?

Rien n’indique que ce débat modifiera d’une façon ou d’une autre la manière dont les Américains ont l’intention de voter. Le sondage New York Times/CBS News indique que seuls 8 % des électeurs enregistrés n’ont pas encore décidé pour qui ils voteront.

Quand bien même une proportion plus large serait dans le doute, l’impact des débats reste marginal. En 2012, le Washington Monthly doutait de leur effet sur la campagne. La même année, le Washington Post écrivait que ces exercices télévisés n’avaient aucune importance.

En 2016, prenant le risque de la répétition, le quotidien feint de s’interroger et demande : « Les débats changent rarement le résultat d’une élection. Est-ce que 2016, fera exception ? ».

Sondages à l’appui, il semble que depuis le premier débat de 1960, ces joutes télévisées n’ont jamais influencé de manière directe ou tangible la position des candidats dans la course. | PAUL J. RICHARDS / AFP

Pour répondre, le Post cite une des conclusions de The Timeline of Presidential Elections - How Campaigns do (and do not) Matter (University of Chicago Press, non traduit en France) de Robert S. Erikson de Princeton et Christopher Wlezien de l’université du Texas.

Ces deux spécialistes de science politique ont examiné les sondages depuis 1960, date du premier débat télévisé, entre John F. Kennedy et Richard Nixon. Pour eux, les débats n’ont pas un impact plus important que les conventions de chaque parti. Leur seul réel impact serait peut-être à chercher à la marge, dans le résultat des élections au Sénat, notamment, écrit Vox.

La chaîne ABC ne dit pas autre chose. Sondages à l’appui, il semble que depuis le premier débat de 1960, ces joutes télévisées n’ont jamais influencé de manière directe ou tangible la position des candidats dans la course.

L’exception est le seul débat télévisé de l’élection de 1980 entre Ronald Reagan et Jimmy Carter. Il s’est déroulé le 29 octobre, une semaine avant l’élection. La course était serrée entre les deux candidats, mais le républicain lançait dans sa conclusion un « Êtes-vous dans une meilleure situation aujourd’hui qu’il y a quatre ans ? » (« Are you better off now than you were four years ago ? », repris par Obama en 2008). Les sondages suivant ce débat voyaient Ronald Reagan devancer le candidat démocrate de sept points.

"Are You Better Off?"
Durée : 02:52