Sur cette photo diffusée le 25 septembre 2016 par l’agence Chine nouvelle, un bombardier H-6K et un avion de combat Soukhoï Su-30 (à droite) participent à des exercices menés par Pékin. | Shao Jing / AP

Plusieurs dizaines d’avions de combat chinois sont passés dimanche 25 septembre par le détroit de Miyako, un couloir international entre les îles japonaises de Miyako et d’Okinawa, afin de gagner l’ouest du Pacifique pour une série d’exercices. Ils n’ont pas survolé l’espace aérien nippon, mais c’est la première fois que l’aviation chinoise se livre à une telle démonstration de force. Pour la Chine, le détroit de Miyako est un passage stratégique, qui, une fois la première chaîne d’îles franchie, permet d’accéder à la haute mer. Pékin compte en exploiter les capacités défensives en cas de conflit.

Pour Pékin, le détroit de Miyako est un passage stratégique, dont il compte exploiter les possibilités en cas de conflit

La chasse japonaise a décollé et repéré huit appareils, dont des bombardiers Xian H-6K et des avions de combat Soukhoï Su-30. « Le Japon continuera à consacrer tous les efforts nécessaires à la vigilance et à la surveillance, a réagi lundi le porte-parole du gouvernement nippon, Yoshihide Suga. Nous appliquerons avec la plus grande rigueur les mesures prises contre les incursions dans notre espace aérien. »

« Protéger la souveraineté »

En Chine, les exercices aériens et navals, toujours plus nombreux et spectaculaires, sont rediffusés en boucle sur les chaînes de télévision. Ceux de dimanche ont été décrits comme « de routine » pour « protéger la souveraineté du pays » et assurer des patrouilles dans sa « zone d’identification de la défense aérienne » (ADIZ). Celle-ci avait été unilatéralement instaurée par Pékin fin 2013 en mer de Chine orientale au-dessus des îlots Diaoyu (Senkaku en japonais), contrôlés par Tokyo mais revendiqués par la Chine. L’ADIZ chinoise se situe en deçà du détroit de Miyako et de la première chaîne d’îles.

Cette démonstration de force chinoise suit les récentes prises de position du Japon sur la mer de Chine méridionale, l’autre « point chaud » des mers de Chine. Le 16 septembre, la ministre nippone de la défense, la très conservatrice Tomomi Inada, a annoncé le renforcement de la présence militaire japonaise dans cette zone « en impliquant les Forces d’autodéfense (FAD) maritimes dans les exercices menés par les Etats-Unis ». Elle envisage également des manœuvres conjointes avec des pays d’Asie du Sud-Est confrontés aux revendications maritimes de la Chine.

« Routine »

« Le timing de ces exercices en fait une réponse certaine à ce que Pékin voit comme une provocation de la part du Japon : sa participation à des exercices avec les Etats-Unis dans les mers de Chine du Sud, malgré les avertissements de Pékin, au motif que le Japon n’est pas partie prenante dans les conflits autour des zones disputées des mers de Chine du Sud », estime la professeure June Teufel Dreyer, politologue à l’université de Miami.

Le Japon s’inquiète toutefois pour son approvisionnement en gaz et en pétrole du Moyen-Orient, qui passe par cette zone. Et Tokyo a clairement pris parti pour les pays confrontés aux revendications chinoises, notamment les Philippines et le Vietnam, auxquels il fournit entre autres des navires de patrouille. Enfin, le Japon a soutenu l’arrêt, rendu en juillet par la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, jugeant illégales les prétentions de Pékin en mer de Chine méridionale.

« Le gouvernement chinois est clairement en train d’établir une nouvelle normalité selon laquelle ces exercices, autrefois hautement inhabituels, deviendraient une routine », poursuit Mme Dreyer. « On peut s’attendre à ce qu’ils aient lieu de plus en plus près des eaux territoriales revendiquées par le Japon et inclues dans l’ADIZ. C’est la tactique chinoise du salami : veiller à ce que chaque action ne soit pas trop surprenante pour ne pas causer une réaction majeure et des appels publics à une réaction chez la partie adverse, en l’occurrence le Japon. »