Les salariés d’Alstom sont appelés à faire grève mardi 27 septembre. | SEBASTIEN BOZON / AFP

Les syndicats d’Alstom sont passés à l’action. Mardi 27 septembre, alors qu’ils ont lancé une grève sur l’ensemble des sites et une mobilisation au siège de l’entreprise à Saint-Ouen, les organisations syndicales du groupe ferroviaire ont voté un droit d’alerte économique lors du comité central d’entreprise. Cette procédure va obliger la direction d’Alstom à répondre aux demandes des syndicats concernant l’état de l’entreprise.

C’est que le dialogue entre la direction du groupe et ses syndicats est aujourd’hui très distendu. La veille, lors d’un comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, Henri Poupart-Lafarge, le PDG d’Alstom, est bien sorti officiellement de son silence pour la première fois après l’annonce, le 7 septembre, d’un projet d’arrêt de la production ferroviaire sur le site historique de Belfort.

Il n’a pas pour autant éclairci l’avenir des salariés de l’usine belfortaine. Tant que la direction d’Alstom discute avec Bercy, elle ne lancera pas le transfert de la production de motrices de TGV, prévu à partir de 2018 vers le site alsacien de Reichshoffen. « Il n’y a eu aucune annonce », glisse André Fages, de la CFE-CGC.

« Une réunion pour rien »

Pour Daniel Dreger, de la CGT, c’était « une réunion pour rien : il [M. Poupart-Lafarge] ne nous a rien appris de nouveau. Il attend les décisions du gouvernement qui devraient intervenir d’ici à la fin de semaine ou au début de la semaine prochaine. »

« Lors du CCE extraordinaire, Henri Poupart-Lafarge a rappelé que le processus de transfert devait être initialement lancé le 4 octobre, lors d’un forum européen des syndicats du groupe », rapporte Philippe Pillot, de FO. Le 7 septembre, il s’était ouvert de son projet lors d’une réunion avec des syndicalistes européens. Afin d’éviter les fuites, la direction avait finalement décidé d’informer directement les salariés de Belfort le même jour, provoquant une crise politico-médiatique sans précédent.

Lors du CCE, M. Poupart-Lafarge a précisé les raisons fondant la décision d’arrêter la production de locomotives et de motrices à Belfort. Contrairement à ses concurrents Bombardier ou Siemens, qui bénéficient d’un marché national dynamique en Allemagne, Alstom n’a plus vendu une seule locomotive depuis dix ans en France. « A ce compte, nous ne sommes plus compétitifs sur ce marché », relate M. Pillot. Et la production de locomotives devrait être abandonnée en France.

Trou de commandes

Concernant les TGV, de 2018 à 2021, le groupe fait face à un trou de commandes qui forcera l’arrêt de la ligne de production. En lançant ce processus dès aujourd’hui, Henri Poupart-Lafarge a voulu se donner du temps pour négocier un accord avec les organisations syndicales, et ce sans avoir recours à un plan social.

Attaché au symbole industriel de Belfort, le gouvernement ne l’entend pas de la même manière. Et depuis dix jours, Bercy et l’état-major d’Alstom multiplient les réunions pour élaborer un plan alternatif à la fermeture du site belfortain. L’idée est de mixer commandes publiques, réorganisation de la charge de travail entre les douze sites du groupe et renforcement de la filière ferroviaire.

« Henri Poupart-Lafarge refuse cependant d’avancer les solutions négociées », constate Philippe Pillot. Il s’est borné à rappeler quelques pistes déjà connues comme la négociation avec la SNCF sur la commande de 6 TGV qui relient la France à l’Italie ou le futur contrat des trains d’équilibre du territoire (TET, ex-Intercités), etc. Devant les députés, mardi, il devrait porter le même discours.

Arnaud Montebourg s’est invité dans le débat

En attendant, l’ancien ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, qui est en pleine campagne électorale, s’est invité dans le débat. Dans une lettre à Michel Sapin, le ministre de l’économie et des finances, M. Montebourg propose pour sauver Alstom de relocaliser à Belfort la production de locomotives d’un contrat de 1 600 locomotives vendues à l’Inde et de laisser Alstom reprendre la signalisation de Thales, qui s’est récemment allié avec le chinois CRRC.

Ces deux propositions paraissent compliquées à mettre en œuvre. « Les contrats en Inde sont clairs et fermes, indique-t-on chez Alstom : les locomotives doivent être produites sur place. » Quant à Thales, le groupe français de défense n’entend pas se défaire de sa branche civile. Son alliance avec CRRC est purement commerciale et n’est en rien capitalistique, a précisé l’entreprise lundi soir dans un communiqué.