Florent Manaudou lors des championnats du monde de natation à Kazan (Russie), en 2015. | MARTIN BUREAU / AFP

Florent Manaudou, handballeur professionnel ? Bientôt en première division, puis en équipe de France, puis champion olympique ? Stéphane Cambriels, manageur général du club d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) qui accueille le nageur de Marseille en son sein, tempère les ardeurs de ceux qui l’imaginent déjà aux côtés de Nikola Karabatic sous le maillot bleu. Pour l’heure, comme l’explique le club dans un communiqué, « son intégration en équipe première n’est pas d’actualité ». Cela dit, aucune porte n’est fermée non plus.

Florent Manaudou vient-il s’entraîner au sein de votre club uniquement pour prendre du plaisir et jouer au ballon, ou y a-t-il une réelle ambition derrière ?

Florent est certainement le mieux placé pour le dire, mais à ma connaissance, il n’a pas dit qu’il arrêtait la natation, simplement qu’il faisait une pause dans son activité de nageur, pour voir, après, comment il pourrait éventuellement revenir. C’est sûr qu’il vient au handball pour y chercher du plaisir, mais c’est sûr également qu’un athlète de sa nature ne trouvera du plaisir que par la compétition et le haut niveau.

Donc tout de suite, quand on parle de handball, de travail, d’entraînement, il va vers une réflexion de type : « Qu’est-ce qu’il faut que je mette en place pour pouvoir espérer, un jour, jouer au plus haut niveau possible ? » On sent bien qu’il va se donner les moyens de faire ça, et nous, nous sommes juste le réceptacle qui va lui permettre de s’entraîner. Peut-être dans un premier temps avec l’équipe 3, puis l’équipe 2, et puis, en 2024, l’équipe 1, on ne sait pas.

Il y a une dizaine de jours, le capitaine Jérôme Fernandez lui a fait passer une évaluation pour voir où il en était. Comment se sont déroulés ses premiers pas de handballeur ?

C’est une éponge. C’est quelqu’un qui comprend vite quand on lui dit de lever son coude comme ci, de mettre le poignet comme ça, de prendre la balle sur un appui, etc. C’est quelqu’un qui connaît son corps, qui sait se positionner dans l’espace, on sent que pour lui, ce sera plus facile que pour le commun des mortels.

Maintenant, vous dire s’il va jouer en nationale 2 [la 4e division] ou en division 1, je n’en ai aucune idée, il y a tellement de paramètres… Ce serait presque rassurant qu’il ne joue pas en première division, parce que ça voudrait dire que notre sport est un sport facile.

L’apprentissage sera sans doute d’autant plus rapide pour lui qu’il a fait du handball plus jeune.

Ça se voit. Il y a un reste technique, et surtout, il y a déjà une qualité physique, une motricité et une explosivité avérées, clairement.

« Il ne faut pas oublier que ces sportifs sont des bêtes de compétition. En tout cas, ce sont des gens qui vont essayer. »

A-t-il un gabarit de handballeur ?

Non, pas encore. Il manque encore de jambes. Le haut du corps, c’est très bien, même s’il faut voir si ça va au niveau de la laxité des épaules et ce genre de choses. En revanche, au niveau des jambes, il y a un gros travail de puissance à faire. Il a des jambes, mais on n’a pas besoin du même type de puissance pour jouer un contre un au handball et pour battre des pieds dans une piscine. Dans la piscine, l’eau vous porte. Là, rien du tout.

C’est un joli coup de pub pour le club d’Aix-en-Provence en tout cas…

Ça n’est pas trop mal, oui, on n’est pas mécontents.

Et ce sera éventuellement une histoire incroyable, mais à moyen ou à long terme.

Oui, on ne sait pas. En tout cas, on est complètement ouverts. On lui a dit : « Tu as envie, on t’accueille, on est très contents, on mettra en place ce qu’il faut pour t’accompagner, et puis on verra ce que ça donne. » Il ne faut pas se donner de limites, ni se fixer des objectifs trop précis. Mais il ne faut pas oublier que ces sportifs sont des bêtes de compétition. C’est comme si demain, Nikola Karabatic se mettait à la boxe, il aurait certainement envie de devenir champion du monde. Est-ce qu’il le pourrait, c’est autre chose, mais en tout cas, ce sont des gens qui vont essayer.

Le sélectionneur de l’équipe de handball américaine déclarait récemment que, s’il le souhaitait, le basketteur LeBron James pourrait devenir le meilleur handballeur du monde en six mois.

C’est peut-être un peu exagéré, mais clairement, LeBron James a toutes les qualités pour faire un super handballeur. Il a la détente, il est costaud, il a le un contre un. On se demande ce que ça pourrait donner au handball, ça pourrait être spectaculaire.

Jérôme Fernandez : « Ce n’est pas de la rigolade »

Ancien capitaine de l’équipe de France, aujourd’hui arrière de l’équipe d’Aix-en-Provence, Jérôme Fernandez a pu voir le handballeur Florent Manaudou à l’œuvre il y a dix jours, et a livré ses impressions à Eurosport.fr. « Je lui ai dit qu’il n’était pas prêt pour faire du handball. Pour une simple et bonne raison : c’est qu’il risque de se faire mal, notamment au niveau des membres inférieurs, aux chevilles et aux genoux (...). Quand il sera prêt physiquement, il pourra faire du handball. Mais pour l’instant, c’est dangereux. L’objectif, c’est qu’il soit prêt début décembre pour faire un entraînement de handball normal, en groupe. » Et selon Fernandez, Manaudou ne prend pas le handball par-dessus la jambe : « Ce n’est pas de la rigolade. Pas du tout. Il est vraiment motivé. Il m’a même agréablement surpris par sa détermination à pratiquer ce sport. En revanche, il est lucide. Il sait très bien qu’aujourd’hui, il est loin du niveau professionnel, et donc il est prêt à progresser. Car c’est un passionné. Après, vous dire aujourd’hui jusqu’où il peut aller, c’est impossible. Je n’en sais rien du tout. »