Anne Bouverot, président de l’ex-Morpho, en février, à Barcelone. | MANUEL BLONDEAU /CORBIS VIA GETTY IMAGES

La bagarre pour le rachat de Safran Identity & Security (ex-Morpho), le spécialiste de la biométrie et de la sécurité mis en vente par Safran, bat son plein, sur fond de fortes tensions. Trois prétendants sont toujours en lice. Une décision est attendue en fin de semaine.

Advent, le fonds américain, également propriétaire d’Oberthur Technologies, et Gemalto, le leader mondial de la carte à puce, restent les favoris. Les offres d’Advent et de Gemalto seraient « très proches », selon une source bien informée, pas loin de 2,4 milliards d’euros. Mais, selon plusieurs sources, Impala, le fonds de Jacques Veyrat, associé à KKR, n’a pas renoncé, même s’il est légèrement en retrait pour ce qui est du prix.

2 offres éliminées

Parmi les cinq offres qui avaient été déposées, vendredi 16 septembre, auprès de Safran, deux auront donc été éliminées : celle de Bain Capital, avec le français Ardian et des investisseurs canadiens, et celle du fonds européen CVC Capital Partners associé à Astorg, sont arrivées loin derrière en matière de valorisation.

Safran a obtenu le prix qu’il désirait, et même bien au-delà. Le motoriste discute désormais, essentiellement avec Advent et Gemalto, pour les départager sur d’autres critères. En particulier, Safran demande aux deux candidats de renforcer leurs engagements sur le maintien de l’emploi chez Morpho et de prendre à leur charge le risque lié à la réglementation sur les concentrations.

Sujet sensible

Il n’y a pas de miracle : si Gemalto et Advent sont capables de proposer des prix aussi élevés, c’est parce qu’ils estiment pouvoir tirer plus de synergies du rapprochement. Mais qui dit synergies, dit souvent aussi casse sociale. Au moment où le gouvernement doit gérer la crise liée à l’arrêt de la fabrication de locomotives chez Alstom à Belfort, il n’est pas question d’ouvrir un autre front.

Dans une lettre en date du 7 septembre adressée à Michel Sapin, le ministre de l’économie et des finances, Cédric Chateau, directeur associé d’Advent International, et Didier Lamouche, PDG d’Oberthur Technologies, ont assuré qu’ils envisageaient descréations d’emplois en France :

« Cela nous permet de garantir un niveau global d’emplois permanents en France pendant une période d’au moins deux ans. »

De son côté, Gemalto a promis qu’il n’y aurait pas de suppressions de postes en France, sans limitation de durée.

Discussions en direct avec l’Etat

Le sujet est d’autant plus sensible que Patrick Drahi, le patron d’Altice, qui s’était engagé à ne pas licencier pendant trois ans après avoir racheté l’opérateur télécom SFR en 2014, vient d’annoncer un vaste plan social, une fois cette période expirée.

Cette négociation avec Safran se double d’une autre. Les prétendants discutent, en effet, en direct avec l’Etat. Compte tenu des activités exercées par Morpho en lien avec la sécurité et la défense, plus son poids dans une filière technologique majeure, les pouvoirs publics veulent s’assurer que les prétendants respecteront les intérêts français, de la localisation des centres de recherche à la propriété intellectuelle.

Pour s’assurer dans la durée du respect de ces engagements, l’Etat souhaite l’intervention de Bpifrance. La banque publique, qui détient déjà 8,4 % de Gemalto, pourrait ainsi accompagner le repreneur, quel qu’il soit, dans ce rachat.