Editorial. Il en est toujours ainsi. Le dernier projet de loi de finances d’une mandature a quelque chose d’irréel et de mensonger. Irréel, parce que chacun sait que le prochain gouvernement, même si la gauche est reconduite, remaniera le budget 2017 à l’issue des élections présidentielle et législatives du printemps. Mensonger, parce que le gouvernement retombe dans les petites manipulations dont on croyait qu’elles étaient du passé.

Ainsi, les prévisions de croissance, puissant levier pour enjoliver ses performances, tendent, selon Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, « à s’écarter du principe de prudence ». Côté dépenses, les économies prévues sur l’assurance-chômage sont jugées « irréalistes », tandis qu’il existe une « accélération de la masse salariale » de l’Etat. Enfin, côté créativité, des baisses d’impôts ont été remplacées par des crédits d’impôts, ce qui permet de reporter le manque à gagner sur l’année 2018. Conclusion logique de Didier Migaud : ces choix rendent « improbable » le retour des déficits à 2,7 % du PIB en 2017 et fragilisent la trajectoire des finances publiques à compter de 2018.

Il est de bonne guerre, dans ces conditions, qu’Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite et du centre, annonce déjà un audit des finances publiques s’il accède à l’Elysée.

Cinq axes de réflexion à avoir

La seule réforme d’ampleur est le prélèvement à la source, mesure présentée comme purement technique, alors qu’elle porte des changements profonds de philosophie sur l’individualisation de l’impôt et la politique familiale.

Ces choix méritent débat, et c’est l’objet d’une campagne présidentielle, à l’issue d’un quinquennat Hollande chaotique, commencé avec un déni de réalité économique et des hausses d’impôts massives. Elles ont provoqué une révolte fiscale, un rattrapage en catastrophe au profit des entreprises et conduit la gauche à des déchirements profonds.

Le ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, et le secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, à Bercy, le 28 septembre. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Le débat fiscal devrait se concentrer sur quelques grands axes de réflexion identifiés par Jean Pisani-Ferry, directeur de France Stratégie (2017-2027, enjeux pour une décennie, La documentation française). D’abord, l’assainissement des finances est un impératif, faute de quoi l’économie française étouffera sous la dette lorsque les taux d’intérêt remonteront.

Deuxièmement, la fiscalité française diverge fortement de celle de ses voisins et les écarts doivent être justifiés par des choix collectifs assumés. Si l’on souhaite accroître l’effort en matière de défense et d’éducation, les surdépenses doivent être réduites : il faut revoir les aides au logement, jugées inefficaces, et s’interroger sur l’équité générationnelle tandis que le coût des retraites est en France beaucoup plus élevé que chez nos partenaires.

Troisièmement, la consommation est moins taxée qu’ailleurs en Europe et une bascule permettrait de réduire les charges sur les salaires et de favoriser l’emploi.

Quatrièmement, le capital non productif – immobilier, assurance-vie – devrait être plus taxé que l’investissement à risque dans l’industrie et les services : une petite révolution pour Bercy, habitué à financer les déficits publics à coups d’exemptions fiscales.

Enfin, il convient d’assumer une fiscalité écologique vigoureuse pour engager la transition énergétique et de plancher sérieusement sur la fiscalité du numérique. Ce débat de fond serait plus utile qu’une nouvelle querelle religieuse sur l’ISF et les incantations sur les vertus d’un choc fiscal.