Manifestation demandant la fermeture de l’université Fernando-Pessoa en France, près de son campus toulonnais, le 15 mars 2013. | BORIS HORVAT / AFP

C’est la fin d’une formation privée restée sans équivalent en France, qui capitalisait sur l’échec à l’hypersélectif concours de première année de médecine (Paces). L’Ecole supérieure d’études médicales (ESEM)-Clesi, anciennement baptisée université Fernando-Pessoa en France, s’est vue contrainte par la justice, mardi 27 septembre, de fermer sa filière d’odontologie qui, moyennant 10 000 euros par an, promettait à ses étudiants de se former deux ans à Toulon ou à Béziers, avant d’intégrer en troisième année une faculté européenne délivrant un diplôme de dentiste valable sur tout le continent.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) a ordonné à cet établissement privé de « cesser de dispenser (…) des cours s’inscrivant dans le cadre d’une formation en odontologie, et ce dans un délai de deux mois » sous peine de devoir payer 5 000 euros d’astreinte par jour de retard. Une décision qui doit être affichée sur le site Internet du Clesi et dans deux journaux, L’Etudiant et Var-Matin.

Des syndicats de dentistes à l’origine des poursuites

L’ESEM-Clesi se voit notamment reprocher de n’avoir « pas fait l’objet d’une déclaration régulière lors de son ouverture » et de n’avoir « pas déposé de demande d’agrément dans le délai prévu » auprès des ministres de l’enseignement supérieur et de la santé, alors que cette autorisation est devenue obligatoire en 2013 pour les formations médicales.

Dénonçant la « haine » des syndicats de dentistes à l’origine des poursuites contre son établissement, le président de l’ESEM-Clesi, Bruno Ravaz, se déclare « très déçu » par cette condamnation, qui « fait obstacle à l’ouverture d’universités privées dans le domaine de la santé, et oblige les familles à envoyer leurs enfants étudier en Roumanie ». Alors qu’il avait fait appel de la décision de justice de septembre 2014, qui obligeait le Clesi à fermer les portes, cet avocat annonce cependant n’avoir « pas forcément envie » de se pourvoir en cassation.

Bruno Ravaz assure que l’école va continuer de former les environ 300 étudiants inscrits « en kinésithérapie et sciences humaines », et proposer à ses 80 étudiants inscrits en première et deuxième années d’odontologie, « un cursus en biotechnologie, centré sur les matériaux, les prothèses, la radiologie, qui permettra à nos étudiants de créer les robots qui remplaceront les dentistes ». Pour ceux que ce programme n’enthousiasmerait pas, « nous ferons en sorte de rembourser leurs frais de scolarité », assure-t-il.

Le combat en justice n’est pas terminé

Dans la partie adverse, le vice-président de l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD), Pierre Cahen, salue dans la fermeture de cette filière du Clesi une « grande victoire pour le monde étudiant ». « Nous ne sommes pas par principe opposés aux établissements de formation privés, car ils existent dans de nombreuses disciplines. Mais il faut que les formations de santé obtiennent l’agrément prévu par la loi, ce qui garantit leur qualité, indispensable pour protéger les patients. »

Si la décision en appel met un coup d’arrêt au cursus dentaire de l’ESEM-Clesi, le combat en justice n’est pas pour autant terminé. Une information judiciaire a été ouverte en 2013, suite à différentes plaintes au pénal, pour « infraction au code de l’éducation » et « tromperie sur les qualités substantielles d’une prestation de service, avec des coûts d’inscription élevés pour les familles et une qualité de formation ne présentant pas les garanties nécessaires ». Sans qu’il n’y ait encore de suites. « On est un peu surpris de cette lenteur. Mais on peut espérer que la décision obtenue en appel va accélérer les choses », explique Pierre Cahen.

Cet étudiant en instance de thèse a rencontré d’anciens étudiants du Clesi ayant porté plainte, tout particulièrement depuis que l’université privée Fernando-Pessoa, située au Portugal, a mis fin à la convention qui la liait avec l’école française. « A la fin du cursus dentaire de deux ans au Clesi, aucune université européenne ne leur assure un passage automatique en troisième année. Seule une université portugaise les accepte en début de deuxième année, après avoir repassé de nouveaux examens. Et elle demande aux étudiants de repasser des matières de première année, le tout en Portugais. »