Le président français, François Hollande, accueille le premier ministre libyen,  Faïez Sarraj, à l’Elysée, le 27 septembre 2016. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

L’incident est clos. François Hollande a reçu, mardi 27 septembre à l’Elysée, le chef du gouvernement d’« union nationale » libyen, Faïez Sarraj, auquel il a manifesté le « soutien très important » de la France à ses efforts de réconciliation nationale. Deux mois plus tôt, le 25 juillet, ce même Faïez Sarraj avait « convoqué » l’ambassadeur de France en Libye (en fait relocalisé à Tunis), Antoine Sivan, pour lui faire part des « protestations officielles de la Libye » à propos de l’« ingérence inacceptable » que constituait « la présence militaire [française] dans l’est » du pays. L’explication avait eu lieu à Nouakchott, en Mauritanie, en marge du sommet de la Ligue arabe.

L’« ingérence » française qui avait suscité le courroux de M. Sarraj consistait en la présence à Benghazi (est) de membres du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) aux côtés des forces du général Khalifa Haftar au nom de la lutte contre l’organisation de l’Etat islamique (EI). Chef en titre de l’Armée nationale libyenne (ANL), dont l’autorité s’exerce surtout en Cyrénaïque (est), le général Haftar est le principal obstacle à la légalisation du pouvoir de M. Sarraj, établi à Tripoli (ouest) depuis mars et produit d’un accord politique conclu fin décembre 2015 à Skhirat, au Maroc, sous les auspices des Nations unies. Le 22 août, le Parlement siégeant à Tobrouk (est), où les partisans du général pèsent lourdement, a refusé d’accorder son investiture au gouvernement de M. Sarraj, lui demandant de revoir sa composition. Très contesté en Libye même, y compris en Tripolitaine dont les milices l’ont initialement soutenu, M. Sarraj tire l’essentiel de sa reconnaissance d’une communauté internationale ne lui ménageant pas son soutien.

« Grands dangers »

A Paris, le chef du gouvernement libyen d’« union nationale » a rencontré, outre François Hollande, Jean-Marc Ayrault, le ministre des affaires étrangères, et Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense. S’exprimant à l’issue de leur entretien d’une demi-heure, le chef de l’Etat français a rappelé que la situation de la Libye est « lourde de grands dangers » et que « l’intérêt de la communauté internationale est d’avoir une Libye stable et sûre ». M. Sarraj « va prendre des initiatives », a poursuivi M. Hollande, ajoutant : « Nous lui faisons confiance pour qu’il puisse élargir son gouvernement et intégrer toutes les parties prenantes et j’espère que la confiance aussi lui sera apportée par le Parlement. »

« La France apportera tout son concours au gouvernement d’unité nationale » dans sa lutte contre le terrorisme et « nous coopérerons autant qu’il sera nécessaire », a assuré le chef de l’Etat français. De son côté, Faïez Sarraj a salué « le rôle central de la France depuis la révolution » libyenne. Il a précisé que la lutte contre le terrorisme avait été un thème central de la rencontre et que les deux dirigeants avaient convenu de « poursuivre leur coopération sécuritaire et militaire ». Depuis quatre mois et demi, une coalition de brigades et de milices de la Tripolitaine – en fait surtout originaires de Misrata – ayant prêté allégeance à M. Sarraj mène l’offensive à Syrte contre le bastion de l’EI, acculé sur un dernier carré.

La récente conquête du « Croissant pétrolier », situé à l’est de Syrte, par les forces de M. Haftar, qui y a évincé une milice pro-Sarraj, a toutefois prouvé que le défi lancé par le général au gouvernement de M. Sarraj était extrêmement sérieux. L’enjeu est désormais clairement le contrôle des ressources d’hydrocarbures, la crainte de la communauté internationale étant que le général Haftar prive le gouvernement d’« union nationale » de revenus cruciaux. Ces ressources « doivent être contrôlées par l’Etat [libyen] de façon à ce que ces recettes bénéficient à l’ensemble de la population », a averti le chef de l’Etat français.

Alors que s’aiguise la rivalité entre la Tripolitaine (ouest) et la Cyrénaïque (est), la diplomatie française ne cache pas son inquiétude face au risque d’une « syrianisation » de la Libye. « Nous ne pouvons pas donner à la Libye l’exemple de la Syrie », a dit M. Hollande en condamnant « un massacre » en cours dans la ville syrienne d’Alep. A Paris, on veut toutefois rester optimiste à propos de la percée des forces du général Haftar dans le Croissant pétrolier, estimant qu’il cherche avant tout à s’arroger un gage à des fins de négociations politiques plutôt qu’à se lancer dans une guerre totale.