Le Conseil de sécurité des Nations unies, le 25 septembre à New York. | BRYAN R. SMITH / AFP

Rarement depuis la fin de la guerre froide le ton a autant monté avec Moscou. Les Américains, comme les Français et les Britanniques, accusent ouvertement le Kremlin de violer ses engagements en Syrie et d’être, autant que le régime, responsables de l’intensification de la guerre et de la tragédie d’Alep. « Ce que la Russie défend et ce qu’elle fait, ce n’est pas du contre-terrorisme, c’est de la barbarie », lançait ainsi, dimanche 25 septembre, devant le Conseil de sécurité l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Powers. Son homologue français, François Delattre, dénonçait « des crimes de guerre qui ne doivent pas rester impunis ». Au-delà des mots, les Occidentaux sont pourtant impuissants.

« Leur gestion de la crise est une suite d’occasions manquées de prendre la main, en premier lieu à cause des atermoiements américains », reconnaît Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique. Il souligne que « depuis un an, les Russes ont fait pour sauver le régime tout ce que les Occidentaux n’ont pas fait pour l’opposition. Ils ont réussi à changer la donne sur le terrain avec une intervention somme toute très limitée. »

L’aviation russe et le système de défense sol-air déployé par Moscou verrouillent l’espace aérien syrien. Les forces russes au sol, venues en appui de l’armée du régime, de ses alliés iraniens et du Hezbollah libanais leur ont permis de reprendre l’avantage. « Jamais la Russie n’a été aussi présente au Moyen-Orient depuis 1991, voire depuis 1973, quand l’Egypte a basculé dans le camp américain après la victoire israélienne dans la guerre de Kippour », reconnaît un haut diplomate français.

Le processus de Vienne est mort

Moscou s’assume pleinement comme partie au conflit en Syrie, et ses initiatives diplomatiques semblent calées en fonction des objectifs militaires assignés à ses protégés syriens. Refusant de s’engager dans le conflit, l’administration américaine insiste sur la nécessité de trouver une issue diplomatique. Son objectif principal reste la lutte contre l’organisation Etat islamique, notamment sur le théâtre irakien, avec une prochaine reconquête de Mossoul, qui pourrait faire oublier ses échecs syriens.

Le processus lancé à Vienne, en novembre 2015, par les Russes et les Américains – qui avait abouti à la résolution 2254 du Conseil de sécurité prévoyant un arrêt des combats, des aides humanitaire puis des négociations intersyriennes à Genève pour une transition politique – est mort. « John Kerry, comme d’ailleurs Obama, n’ont plus le temps ni la crédibilité pour relancer quoi que soit », estime un haut diplomate français, reconnaissant que « tant que le régime et ses protecteurs russes seront convaincus qu’ils peuvent, sinon gagner la guerre, au moins se garantir une Syrie utile avec Damas, Alep et la côte, les négociations ne seront qu’un faux-semblant ». Les Occidentaux n’ont plus aujourd’hui de levier pour changer le rapport de force, à moins de se lancer dans des initiatives à très haut risque, comme la livraison de missiles portatifs antiaériens à l’opposition. Ils en sont réduits à espérer que la pression morale et la crainte d’un enlisement amènent le Kremlin à composer.