Le défenseur du club bulgare de Ludogorets, Yordan Minev le 12 septembre. | FABRICE COFFRINI / AFP

Petites lunettes et regard froid, l’impavide Georgi Dermendzhiev a annoncé la couleur avant la réception, à Sofia, du Paris-Saint-Germain, mercredi 28 septembre, lors de la 2e journée de la phase de poules de Ligue des champions. « On n’a pas peur du PSG, on n’a pas peur du tout, a lâché, en conférence de presse d’avant-match, le manageur de l’équipe bulgare de Ludogorets. On ne sait pas comment ça va tourner, mais on va jouer avec du respect pour l’équipe du PSG et tous ses joueurs. La motivation contre le PSG va être très importante. On va essayer de faire le maximum pour bien représenter la Bulgarie dans le tournoi. »

Battu à deux reprises en sept journées de Ligue 1, le PSG d’Unai Emery s’apprête à défier une formation manifestement déterminée à réaliser un « coup » lors d’une joute aux allures de traquenard. La question taraude les observateurs et, sans doute, les dirigeants du club de la capitale : que vaut Ludogorets, lutin du groupe A ?

Le règne de Kiril Domuschiev

Quintuples champions en titre de Bulgarie, les « Aigles » de Razgrad – cité de 35 000 habitants – dominent outrageusement la scène nationale depuis leur rachat, en 2010, par l’homme d’affaires Kiril Domuschiev, dirigeant du laboratoire pharmaceutique Huvepharma. Du Razgrad 2000, rebaptisé Ludogogets, et longtemps voué aux divisions inférieures, Domuschiev a fait une redoutable écurie, capable d’éclipser les deux clubs « mastodontes » de Sofia, le Levski et le CSKA, emblèmes de l’ère communiste (1946-1990).

Epaulé par son frère Georgi, le businessman a injecté beaucoup d’argent dans le marché des transferts. Il s’est doté d’une formation solide, articulée autour d’une escouade de joueurs étrangers (notamment sept brésiliens) et d’internationaux bulgares. Plusieurs cadres de Ludogorets devraient d’ailleurs être retenus pour affronter les Bleus le 7 octobre, au Stade de France, dans le cadre des éliminatoires au Mondial russe de 2018.

Le club compte aussi dans ses rangs l’attaquant roumain Claudiu Keșerü, passé par Nantes (2003-2010), Angers (2010-2013), et Bastia (2013-2014), ainsi que l’international malgache Anicet Andrianantenaina Abel, formé à Auxerre.

Ludogorets en 2014 avant un match contre le Real Madrid. | DANI POZO / AFP

Propriétaire aux poches larges, Domuschiev a également investi dans les infrastructures. En 2011, la nouvelle Ludogorets Arena (6 000 places) est inaugurée. Puis, en 2012, le Sport Center Ludogorets, centre d’entraînement ultramoderne du club, voit le jour. Trois ans plus tard, une tribune de 2 000 strapontins supplémentaires est édifiée à la Ludogorets Arena, élargissant la capacité d’accueil de l’écrin. Mais la jauge reste insuffisante à l’aune des critères de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et les « Aigles » doivent disputer leurs rencontres continentales au stade Vasil-Levski de Sofia, à plus de 300 kilomètres de Ludogorets.

Une expérience sur la scène européenne

Depuis plusieurs saisons, les joueurs bulgares ont coutume de briller sur la scène européenne. Lors de la saison 2013/2014, ils éliminent la Lazio de Rome en seizièmes de finale de la Ligue Europa avant de chuter contre le Valence CF au tour suivant. Les « Vert et Blanc » se qualifient pour la première fois de leur histoire pour la phase de poules de la Ligue des champions lors de l’édition 2014/2015, devenant ainsi la deuxième équipe bulgare à réussir cet exploit après le Levski Sofia.

Sans complexe, les « Aigles » neutralisent notamment (2-2) Liverpool, battent même les Suisses du FC Bâle (1-0), mais finissent derniers de leur groupe. Cette saison, pour leur deuxième participation au banquet des grands d’Europe, les hommes de Georgi Dermendzhiev ont arraché un nul satisfaisant (1-1) sur la pelouse du FC Bâle, tandis que le PSG et Arsenal se quittaient sur le même score.

«Le PSG est composé de très, très bons joueurs, avec un entraîneur de qualité comme Unai Emery. Le fait qu’il ait perdu deux fois et concédé un nul en championnat ne veut rien dire, a insisté le manageur de Ludogorets, pas inquiet des infortunes récentes de son adversaire. Vous connaissez le football, vous savez que le PSG est une équipe exceptionnelle. Regardez les joueurs qui y évoluent. Il suffit d’en prendre deux et ils coûtent déjà 100 millions d’euros. Le PSG a quinze joueurs qui peuvent changer le match

« Ils seront très motivés »

« Qu’on joue contre Bâle ou le PSG, on se doit d’avoir le moral et d’essayer de progresser et de faire son maximum, a ajouté M. Dermandzhiev. Malgré tout, c’est vrai que ce PSG n’a pratiquement aucun point faible. Mais on va essayer de saisir notre chance.» Sous pression, Unai Emery a rendu hommage à son adversaire, doté d’un budget près de cinquante fois inférieur à celui du PSG ( moins de dix millions d’euros contre 500 millions annuels).

« Si Ludogorets est présent en Ligue des champions, c’est qu’il le mérite. Ils seront très motivés, mais nous aurons la même motivation, a déclaré le nouvel entraîneur du PSG, successeur de Laurent Blanc (2013-2016) et triple vainqueur de la Ligue Europa avec le Séville FC (2014, 2015, 2016). C’est le terrain qui dira qui est le meilleur. Nous voulons faire un grand match. C’est très important pour nous de nous imposer ici. Je ne comprends pas la pression. Je comprends l’exigence. Elle consiste à gagner les matchs. Celui-ci est important mais pas crucial. Notre objectif est bien de finir premiers de la poule. »

Recruté cet été pour enfin hisser le PSG version Qatar Sports Investments (QSI) en demi-finales de la Ligue des champions, le technicien espagnol serait bien inspiré de l’emporter sur la pelouse du stade Vasil-Levski de Sofia. Et ainsi de ne pas déjuger son président, Nasser Al-Khelaïfi, qui s’était réjoui de voir Ludogorets figurer dans son groupe. « C’est bien », avait réagi le dirigeant qatari, à la fin d’août, à l’issue du tirage au sort du tournoi.