La présidente de la Screen Actors Guild, Gabrielle Carteris, à Beverly Hills (Californie) en juin 2016. | FREDERICK M. BROWN/AFP

Pourquoi laisser à la Silicon Valley le privilège d’essayer de repousser le vieillissement ? Hollywood a trouvé la parade. Selon une loi promulguée le 24 septembre par le gouverneur de Californie, Jerry Brown, les acteurs pourront empêcher la publication de leur date de naissance sur les sites utilisés par les studios pour le recrutement. Sans âge, ils seront éternellement jeunes.

Coquetterie de stars ? Au contraire. Plutôt que des vedettes, dont l’état civil est de toute façon dans le domaine public, il s’agit d’une revendication des seconds rôles, qui se plaignent de discrimination à l’âge. « Bien qu’elle soit contraire aux lois fédérales et de l’Etat, celle-ci continue dans l’industrie du divertissement, a justifié l’auteur de la loi, le représentant démocrate de Californie Ian Calderon. Ces acteurs ne devraient pas être exclus des auditions sur la seule base de leur âge ».

Le texte, voté fin août à la quasi-unanimité par l’assemblée de l’Etat , vise essentiellement le site IMDb (Internet Movie Database), propriété d’Amazon depuis 1998. Cette base de données sur le cinéma mondial, gratuite pour le public, est doublée d’un service payant (IMDbPro) qui donne accès à un annuaire complet de la profession. Les studios y trouvent les informations sur les acteurs et les contrats. Ceux qui cherchent des rôles dans les films, les séries télévisées et les publicités paient pour y poster leur CV. A partir du 1er janvier 2017, quiconque en fait la demande pourra voir son âge éliminé des profils publiés.

Empêcher le « jeunisme »

Le syndicat des acteurs, la Screen Actors Guild, qui représente plus de 160 000 professionnels, s’est réjoui de cette mesure qui empêchera, selon lui, le « jeunisme » dont sont victimes les comédiens moins connus, notamment les femmes. La présidente de la Guild, Gabrielle Carteris, a elle-même assuré qu’elle n’aurait jamais été auditionnée pour son rôle d’adolescente dans la série des années 1990, « Beverly Hills 90210 », si les responsables du casting avaient réalisé qu’elle avait vingt ans de plus que son personnage. A l’époque, souligne-t-elle dans un texte publié par le Hollywood Reporter, la discrimination était un phénomène relativement isolé. L’Internet, avec les sites de casting en ligne, en a fait un réflexe « quasi-automatique » parmi les recruteurs : l’information est omniprésente.

La Silicon Valley et les défenseurs des libertés civiles sont, en revanche, très critiques vis-à-vis de la nouvelle loi. Ils y voient une violation du principe de liberté d’expression inscrite dans le 1er amendement de la constitution. En réclamant « la suppression d’informations exactes », reproche Michael Beckerman, le président de l’Internet Association, le lobby qui représente les géants du secteur, ce texte établit un « dangereux précédent qui pourrait faire des ravages sur l’Internet ». Mettre en ligne ces informations « n’est pas une forme de discrimination », ajoute-t-il. « Les compagnies de l’Internet ne devraient pas être sanctionnées pour la manière dont les gens utilisent les données publiques. »

Les juristes s’attendent à une contestation en justice de la constitutionnalité de la loi. Un affrontement rare, aux Etats-Unis, sur la question du droit à l’oubli.