Aymeric Laporte en juillet. | NICOLAS TUCAT / AFP

Son heure est enfin venue. Longtemps voué à faire les cent pas dans l’antichambre des Bleus, le défenseur Aymeric Laporte, 22 ans, a été convoqué pour la première fois par Didier Deschamps. Jeudi 29 septembre, le sélectionneur des Bleus a choisi d’intégrer l’arrière central de l’Athletic Bilbao dans sa liste de 23 joueurs appelés dans l’optique des deux rencontres programmées contre la Bulgarie, vendredi 7 octobre, et les Pays-Bas, lundi 10 octobre, dans le cadre des éliminatoires au Mondial russe de 2018.

« Son heure est arrivée », a souri le patron des Tricolores en conférence de presse. Ancien capitaine de l’équipe de France Espoirs (19 sélections), passé par toutes les sélections de jeunes depuis 2011, Laporte ne masquait guère, ces derniers mois, son dépit d’être constamment snobé par Didier Deschamps. Son arrivée parmi les « A » apparaît comme une récompense légitime et la fin d’une longue attente.

Repéré à l’âge de 14 ans par l’Athletic Bilbao alors qu’il dispute un match avec la sélection d’Aquitaine, le jeune joueur brille depuis cinq saisons en Liga avec la formation basque. Au point que le solide (1,89 m, 85 kilos) gaucher est considéré par les observateurs comme l’un des meilleurs défenseurs du championnat espagnol. Il est en tout cas devenu l’idole du public du stade San Mames de Bilbao.

Lancé en décembre 2012 par l’inénarrable entraîneur chilien Marcelo Bielsa, Laporte avait notamment été nommé dans l’équipe type de la Liga lors de l’exercice 2013-2014. Couvé par son entraîneur Ernesto Valverde, il fut aussi l’un des principaux artisans de la victoire de Bilbao en Supercoupe d’Espagne, en 2015. Soit le premier trophée du club depuis trente et un ans. La clause libératoire du prodige a d’ailleurs été relevée à 65 millions d’euros, alors que son contrat avec les « Lions » est censé expirer en 2020.

Les convoitises de la Roja

En novembre 2015, le natif d’Agen s’était fendu d’un tweet rageur (« Enfin bref… ») après que Didier Deschamps l’eut, une nouvelle fois, ignoré après le forfait de Mamadou Sakho. Si ses performances étaient attentivement suivies par le sélectionneur, le joueur formé de l’autre côté des Pyrénées – comme son coéquipier Antoine Griezmann – avait exprimé sa frustration, en janvier, sur les ondes de la radio basque Onda Vasca.

« J’ai l’espoir de passer à la catégorie d’au-dessus en équipe de France. Si dans quelque temps le moment de rejoindre la sélection française ne vient pas, si on ne me donne pas le choix, si on ne veut pas directement de moi, je devrais examiner d’autres options, dont l’une peut être de jouer avec l’Espagne », menaçait-il.

Cette sortie aux faux airs d’ultimatum avait fortement déplu à Didier Deschamps et le joueur avait dû faire le dos rond : « Je veux jouer avec la sélection française et contrairement à ce qu’on raconte, je ne mets aucune pression sur le sélectionneur pour qu’il me convoque, pas plus que je ne fais des appels du pied à la sélection espagnole », avait-t-il précisé dans un communiqué.

Particulièrement performant avec l’Athletic Bilbao, Laporte, d’ascendance basque, avait dans le même temps séduit Vicente del Bosque, le sélectionneur de la Roja. « S’il voulait jouer avec l’Espagne, nous en serions enchantés », avait notamment déclaré le technicien, vainqueur du Mondial 2010 et de l’Euro 2012. Son successeur, Julen Lopertegui, aurait lui aussi jeté son dévolu sur le défenseur. Le journal sportif espagnol Marca annonçait, à la fin d’août, que le nouveau patron de la Roja avait réussi à convaincre Laporte de jouer pour l’Espagne.

Victime d’une grave blessure à la cheville, en mars, avec les Espoirs, le joueur de l’Athletic Bilbao n’avait pu prétendre à une place dans la liste des 23 joueurs sélectionnés par Didier Deschamps pour l’Euro 2016. Cette fois, il profite des forfaits d’Adil Rami, de Samuel Umtiti et de la disgrâce de Mamadou Sakho à Liverpool. Contre la Bulgarie et les Pays-Bas, il devrait jouer la doublure de Raphaël Varane et Laurent Koscielny, qui forment la charnière centrale titulaire des Bleus. « Fier et honoré de porter ce maillot », s’est réjoui l’intéressé sur son compte Twitter.

« C’est bien pour l’équipe de France »

Devant un parterre de journalistes, Didier Deschamps assuré qu’il ne prenait pas « Aymeric pour ne pas qu’il choisisse une autre équipe nationale ». « C’est quelqu’un qu’on suit, qu’on a suivi. Je choisis parmi les joueurs qui sont disponibles, ça peut arriver qu’il y ait des joueurs blessés ou indisponibles, mais en aucun moment je ne choisirais un joueur pour des motifs autres que ce qui concerne l’équipe de France », s’est cabré le sélectionneur.

En mars 2015, le technicien avait notamment convaincu l’attaquant lyonnais Nabil Fekir (sélectionné contre la Bulgarie et les Pays-Bas) d’opter pour l’équipe de France au lieu de l’Algérie, le pays de ses parents. Le joueur de l’OL avait d’alleurs confié ses intérêts à l’agent Jean-Pierre Bernès, l’impresario de… Didier Deschamps.

« Si Aymeric joue, c’est parce que je pense que c’est bien pour l’équipe, je n’ai jamais pensé à bloquer, sécuriser, a poursuivi le patron des Tricolores. Les joueurs ont la liberté qu’ils ont. Rien ne me laisse penser que Laporte ne veut pas de l’équipe de France : tant qu’il ne me dit pas ou qu’il ne le vous dit pas, après c’est un peu du bla bla bla et moi le bla bla je n’en tiens pas compte. »

Selon le règlement de la Fédération internationale de football (FIFA) sur les joueurs binationaux, Laporte ne pourra, en tout état de cause, changer de nationalité sportive s’il fait son apparition avec les Bleus, lors des matchs comptant pour les éliminatoires au Mondial 2018.