Jean-Marie Le Pen, pendant le banquet de rentrée de ses comités Jeanne, au secours !, à Mormant (Seine-et-Marne), le 28 septembre. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Jean-Marie Le Pen connaît bien la posture du réprouvé pour l’avoir adoptée pendant près de soixante ans comme dirigeant de l’extrême droite française, ostracisé au sein de la classe politique. Elle le conforte dans sa conviction d’avoir raison, seul contre tous. « Le Front national a eu raison, et pour cela il a été considéré comme fasciste ou nazi. Nous avons vu clair », s’est-il félicité, mercredi 28 septembre, devant 150 personnes à l’occasion du banquet de rentrée de ses comités Jeanne, au secours !, organisé à Mormant, en Seine-et-Marne. Qu’importe d’être rejeté par la majorité, si l’on trouve quelques camarades de combat auprès desquels se conforter ?

Mais, à 88 ans, le vieux chef souffre d’être devenu un réprouvé au sein de sa propre famille, exclu du Front national par sa fille Marine Le Pen depuis un an. L’homme souffle le chaud et le froid à propos de cette benjamine émancipée que la plupart des sondages voient accéder au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Parfois il se montre conciliant, comme lors des régionales de 2015, quand il appela à voter en faveur du FN malgré son exclusion. Dans d’autres circonstances, il se révèle belliqueux : le député européen affirme vouloir présenter des candidats aux élections législatives de 2017 sous le label Jeanne, au secours !. Y compris contre des impétrants frontistes.

Si le cœur leur en dit, ces derniers pourront néanmoins demander à obtenir son label. « Il m’a demandé de prendre l’investiture Jeanne, au secours !. Il se leurre, il croit que la moitié des fédérations du FN sont parties dans sa foulée », regrette un frontiste qui lui est resté fidèle.

« On n’est jamais trop nombreux »

« Mon abstention privera Marine Le Pen d’un certain nombre de gens, on n’est jamais trop nombreux, veut en tout cas croire le patriarche. Si j’étais à sa place, je souhaiterais que Jean-Marie Le Pen me soutienne. » L’ancien président du FN, qui va plaider sa cause devant la justice, mercredi 5 octobre, pour tenter de faire annuler son exclusion du parti, aimerait que sa fille lui tende la main. « Mon mari espère qu’elle vienne vers lui. On l’espère tous », reconnaît son épouse, Jany Le Pen.

Pour autant, l’intéressé se montre lucide, et voit déjà venir l’heure à laquelle il devra apporter son soutien, en l’absence d’alternative. « Je serai peut-être obligé de m’y résigner. Je préférerais le faire avec l’enthousiasme des soldats de l’an II, baïonnette au canon et pieds nus ! »

En attendant, l’élu réunit une petite coterie de militants attachés à sa personne, exclus du FN, comme lui, ou encore adhérents. Lors de son banquet, l’ancienne candidate aux municipales dans les Ardennes Anne-Sophie Leclère, condamnée mercredi à 3 000 euros d’amende avec sursis pour avoir comparé Christiane Taubira à un singe, était installée à sa table. « Vous n’avez pas à vous excuser de ce que vous êtes, vous devez être fiers. Nous sommes les meilleurs en France », a lancé Jean-Marie Le Pen à ses troupes. Pas question de laisser un réprouvé sur le bord du chemin.