Le premier ministre, Manuel Valls, était au congrès des HLM à Nantes mardi 27 septembre. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Près de 10 000 congressistes et 300 exposants – promoteurs, constructeurs, chauffagistes, gestionnaires et même des plates-formes numériques pour gérer attributions, dépannages ou réclamations – se sont pressés au 77congrès des HLM organisé à Nantes (Loire-Atlantique) du mardi 27 au jeudi 29 septembre. Une affluence record qui témoigne du poids économique de ce secteur.

Les 730 organismes HLM de France sont à la tête d’un parc de 4,5 millions de logements, et même de 5,4 millions si l’on intègre ceux détenus par les sociétés d’économie mixte. Ils perçoivent chaque année 20 milliards d’euros de loyers et en investissent plus de 17 milliards. Et pas de congrès de l’Union sociale de l’habitat (USH), nom officiel de la fédération des organismes HLM, sans la présence du grand argentier du mouvement : la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui lui accorde des prêts – plus de 21 milliards en 2015 – pour construire et réhabiliter les immeubles.

Un système robuste face à la crise

« Avec 140 000 constructions prévues en 2016, nous finançons un tiers de la production française », s’enthousiasme Pierre-René Lemas, directeur général de la CDC. Cette activité est rendue possible par la centralisation de l’épargne des livrets réglementés (livrets A, « de développement durable » ou encore « d’épargne populaire ») : 238 milliards sur les 403 milliards engrangés par les Français, sont ainsi remontés à la Caisse pour financer le logement social et la rénovation urbaine.

« Le modèle a été inventé en 1871 par les caisses d’épargne et les grands bourgeois philanthropes qui voulaient inciter les ouvriers à épargner », rappelle le chercheur Raphaël Frétigny, dont la thèse « Financer la cité : la Caisse des dépôts et les politiques de développement urbain en France » a été récompensée lors du congrès. « Le livret A est un puissant outil qui a permis, dans les années 1950, la reconstruction de la France mais dont l’usage devrait, aujourd’hui, être étendu au financement d’équipements culturels, sportifs, scolaires, alors que l’Europe et le Trésor le cantonnent au logement social », a plaidé le désormais docteur en sciences politiques.

Le système français s’est aussi révélé robuste pendant la crise financière de 2008 : « A la différence de pays comme le Royaume-Uni, l’Irlande, les Pays-Bas l’Espagne, l’Italie, le Portugal, le Danemark, qui ont fortement contracté leur programmation de logements, le secteur français, déconnecté des circuits bancaires, a poursuivi ses investissements et les a même augmentés de 20 % entre 2009 et 2012, jouant un rôle contracyclique », analyse Laurent Ghekière, directeur des affaires européennes de l’USH. Pendant ce temps, la Grèce, sous la pression de la troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international), supprimait purement et simplement son secteur de logement social…

Prêts longs contre ressources courtes

La France et son circuit de financement réglementé n’ont pas toujours été en odeur de sainteté dans les instances européennes. Bruxelles a déjà poursuivi les Pays-Bas et la Suède et les a enjoints de réduire leur parc social ou d’en conditionner l’accès par des plafonds de ressources. En France, l’Union nationale de la propriété immobilière poursuit l’USH devant la Cour européenne pour concurrence déloyale, une procédure pendante.

La Banque centrale européenne juge le système français peu orthodoxe. Elle estime que les prêts longs consentis aux organismes HLM sur vingt, quarante voire soixante ans, pour l’achat de foncier, devraient être adossés à des ressources elles aussi longues. Or le livret A, disponible à tout moment pour son souscripteur, est par définition une ressource courte. « Pourtant, cela marche depuis près de cent cinquante ans et c’est justement parce que les épargnants peuvent à tout moment récupérer leur argent qu’ils nous le confient, explique M. Lemas, qui assure: « Bien sûr, nous prévoyons un matelas de trésorerie pour faire face aux sorties et nous maîtrisons parfaitement ce risque. »

Ce modèle vertueux est pourtant malmené par le contexte actuel des taux très bas. Les prêts HLM sont alimentés par une ressource – les livrets A – eux-mêmes rémunérés 0,75 % ce qui, avec la marge, aboutit à des crédits trop chers, et les bailleurs sociaux sont tentés d’aller voir ailleurs. « Attention, n’allez pas tuer la poule aux œufs d’or, a prévenu M. Lemas, dans son adresse aux organismes HLM. « C’est vrai qu’il est impossible de prêter plus cher au logement social et à taux variable (puisque les prêts HLM sont indexés sur le taux du livret A) et il me paraît difficile, d’un autre côté, de baisser la rémunération de l’épargne populaire », a-t-il concédé.

Le risque d’une baisse de la rémunération du Livret A serait, bien sûr, de décourager les épargnants, comme cela s’est produit en août 2015 lorsque son taux a été ramené de 1 % à 0,75 % et que la collecte a fléchi de 2 %. Le patron de la CDC a donc cherché à diversifier non seulement ses produits, en créant un « prêt amiante » et un « prêt croissance verte » à 0 % pour la rénovation thermique, mais aussi ses ressources.

Il est allé frapper à la porte de l’Europe : « C’est la première fois qu’elle finance le logement social et M. Juncker [le président de la Commission européenne] m’a d’ailleurs dit qu’il faut que l’Europe soit plus concrète pour les gens », explique-t-il.

Des prêts « de haut de bilan » à taux nul

Les ressources européennes vont ainsi permettre de consentir aux bailleurs sociaux des prêts de long terme à taux fixe, entre 0,8 % et 1 % par an. Plus innovant encore, la CDC, concrétisant une annonce du président de la République, à l’occasion du bicentenaire de la Caisse, le 16 janvier, va mettre à disposition des HLM une enveloppe de 2 milliards dont la moitié provient de la Banque européenne d’investissement. Ces prêts, dits « de haut de bilan », sont à taux nul avec un différé d’amortissement de vingt ans et remboursables les vingt années suivantes. « Ce sont des quasi fonds propres pour les organismes HLM, qui vont pouvoir investir, accélérer les programmes de rénovation thermique et construire plus. Nous pouvons, de cette manière, gagner 0,1 % de croissance », s’est félicité M. Lemas.

La bonification de taux est financée, à parité, par la CDC et Action Logement, le collecteur de la participation des employeurs à l’effort de logement, pour un coût de 600 millions. Une autre bonne nouvelle de ce congrès a été l’annonce, par le premier ministre, Manuel Valls, le 27 septembre, que cette enveloppe serait portée à 3 milliards.

Face à ces propositions nouvelles de financement, les HLM ont répondu au-delà des espérances puisque 440 organismes ont, entre mi-juin et mi-juillet 2016, déposé pour près de 6,5 milliards d’euros de demandes. Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis et maire de Pavillons- sous-Bois, a refroidi un peu l’ambiance en rappelant : « Ces financements innovants, c’est très bien, mais une dette reste une dette. Il faudra la rembourser. »