Des étudiants de l’université Paris-I Pantheon-Sorbonne, où enseigne Bruno Dondero. | FRED DUFOUR / AFP

Imaginons Paul. Mardi 27 septembre, le réveil de cet étudiant en troisième année de licence de droit a sonné à 8 heures, mais le jeune homme, victime d’une insomnie, n’a finalement émergé qu’une heure plus tard. Impossible dans ces conditions de rejoindre à temps son cours de droit des sociétés, à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne.

Mathilde, elle, était bien présente dans les travées de l’amphithéâtre, mais elle n’a pas compris un point du cours et ses notes ne sont pas très claires. Loin d’être en panique, Paul a tout simplement allumé son ordinateur, s’est connecté sur le compte Facebook de Bruno Dondero et a pu y suivre en direct le cours de ce professeur spécialiste du droit des affaires. Mathilde, de son côté, s’est dit qu’elle le visionnerait dès qu’elle aurait un moment.

Il s’agit là d’étudiants fictifs, mais ce cours magistral a, lui, bel et bien été retransmis en direct sur le réseau social. C’est même la bonne idée de la rentrée. Pas besoin d’un matériel très sophistiqué : l’investissement se borne à l’achat d’un trépied et il suffit d’un smartphone pour filmer. « J’ai toujours trouvé absurde que le cours magistral ne soit pas enregistré », explique Bruno Dondero, tout en reconnaissant qu’il y a encore deux ans « pouvoir s’enregistrer et transmettre en direct sans qu’il y ait de coupures, ce n’était pas possible ».

La diffusion en temps réel nécessite tout de même de bien maîtriser son cours. Impossible, en effet, comme pour un MOOC (cours en ligne ouvert à tous), de s’arrêter et de reprendre là où l’on s’est trompé ou si l’on a simplement bafouillé. « Ça n’a pas changé ma manière de faire mon cours. Je ne bride pas ma pensée. Tout ce que je dis en amphi peut-être entendu, même les petites blagues que je fais parfois à mes étudiants », affirme le professeur.

Un succès au-delà de Paris

Alors que la rentrée universitaire est de nouveau synonyme d’amphis surchargés, que certains élèves sont assis dans les travées ou restent debout faute de places, diffuser son cours en direct peut se révéler une solution. « Pour l’instant, mon amphi est toujours aussi bondé », reconnaît toutefois Bruno Dondero. De quoi rassurer les professeurs qui craignent que ce genre d’alternative conduise à faire cours devant des gradins vides. « Il y a toujours une sorte de sacralisation du cours en amphi », souligne l’enseignant.

Si l’expérimentation ne s’est pas substituée au cours, elle n’en est pas moins un succès. La première vidéo, publiée le 12 septembre, a déjà été visionnée plus de 23 000 fois. « Il y a les étudiants qui ne viennent pas à mon cours, ceux qui le revisionnent, mais aussi des étudiants non inscrits à Paris-I, en France ou à l’étranger. » Les commentaires postés en direct l’attestent : certains proviennent du Maroc, d’autres de Marseille.

Bruno Dondero n’en est pas à sa première innovation. En 2014, il avait accueilli dans l’amphi le président du tribunal de commerce de Paris et deux de ses juges, qui avaient tenu une audience devant les 300 étudiants présents. Deux avocats avaient interrogé un témoin – un président de société de gestion de portefeuille – et plaidé, avant que le tribunal délibère. Le tout, pour une affaire inventée de toutes pièces par Bruno Dondero.

A la rentrée 2015, il avait invité ses étudiants à utiliser Twitter pour lui poser des questions, développant ainsi l’interactivité dans les cours magistraux. Et pour illustrer ses cours, il n’hésite pas à recourir à l’image : la série « Les Soprano », qui met en scène une famille mafieuse américaine, pour expliquer la différence entre un contrat de prêt et un contrat de société. Ou encore une scène d’anthologie entre Jean Gabin, Bourvil et Louis de Funès dans La traversée de Paris, pour donner à voir les pourparlers et la conclusion d’un contrat.

« A la rentrée 2016, peut-être que je dirai à mes étudiants, “allez voir la vidéo de mon cours et on approfondira les choses en amphi” », extrapole-t-il déjà.