Prestation de serment du président gabonais Ali Bongo Ondimba, le 27 septembre 2016, à Libreville. | STEVE JORDAN/AFP

La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé, jeudi 29 septembre, l’ouverture d’un examen préliminaire sur la situation au Gabon. Une décision qui ne vaut pas enquête, loin s’en faut, mais constitue plutôt un accusé de réception à la requête déposée le 21 septembre par la ministre de la justice, Denise Mekamne Edzidzie, au nom du gouvernement gabonais.

A la suite de l’élection présidentielle du 27 août, et de la victoire revendiquée deux jours plus tard par Jean Ping, l’adversaire d’Ali Bongo Ondimba, « le Gabon a été le théâtre d’émeutes et d’exactions graves », écrit Libreville dans sa plainte à la cour, et n’hésite pas à parler « d’incitation au génocide » et de « crimes contre l’humanité ».

Le pays a été secoué par des violences post-électorales qui ont fait au moins 27 morts, des dizaines de blessés et de disparus. La réélection d’Ali Bongo Ondimba, finalement validée par le Conseil constitutionnel le 24 septembre, est contestée par l’opposition et a été froidement accueillie à l’étranger.

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Dans sa plainte, le gouvernement du président Bongo évoque un meeting du candidat de l’opposition au cours duquel il aurait invité la foule à se « débarrasser des cafards », dans le but « d’éliminer une partie de la population gabonaise ». La plainte dénonce aussi, pêle-mêle, le saccage de bâtiments publics, un piratage informatique « destiné à fausser les résultats des élections », une conversation téléphonique entre Jean Ping et Mamadi Diané, un membre du cabinet du président ivoirien Alassane Ouattara – écarté après cet épisode – conseillant de mettre « la pagaille totale » au Gabon. Enfin, le gouvernement n’hésite pas à qualifier de « crime contre l’humanité » la présence « d’un individu ligoté » dans les locaux de campagne de Jean Ping et découvert par des gendarmes.

Aveu d’échec

Les faits relatés dans le document ne relèvent, juridiquement, ni de génocide, ni de crimes contre l’humanité, mais, comme pour pallier cette faiblesse, le Gabon demande à la procureure « de mobiliser d’ores et déjà vos services concernant les actes susceptibles de survenir ».

Lorsque les Etats se tournent officiellement vers la CPI, le bureau du procureur ouvre systématiquement un examen préliminaire, qui consiste d’abord à déterminer si des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou un génocide ont été commis. Puis à vérifier si l’Etat ne peut, pour des raisons politiques ou logistiques, en juger les auteurs devant ses propres tribunaux. En se tournant vers la CPI, les autorités gabonaises font aveu de l’échec de leurs propres institutions et prennent le risque qu’elle se retourne contre elles. Dans le communiqué annonçant l’ouverture de son examen préliminaire, le bureau du procureur précise d’ailleurs que lorsque des documents « identifient des responsables potentiels », il n’est « ni lié ni contraint par les informations qu’il contient » pour déterminer d’éventuelles cibles.

Après la répression des émeutes qui ont suivi le scrutin, Jean Ping avait lui-même menacé d’un recours à la CPI. « Cette saisine constitue un contre-feu à nos propres enquêtes, conduites depuis plusieurs semaines, estime Me Emmanuel Altit, l’un de ses avocats. Notre enquête remonte aux violences post-électorales de 2009, et aux crimes commis contre des dizaines de civils, jusqu’en 2016. C’est un continuum de répression. » L’avocat parisien a l’intention de déposer des éléments devant la Cour, mais n’a pas indiqué de date. « L’Etat gabonais s’est piégé lui-même », commente-t-il, se félicitant de pouvoir alimenter un dossier ouvert par la cour grâce à l’initiative du gouvernement gabonais.