Série documentaire sur Arte à 17 h 10

Athéna, déesse de la guerre | © Rosebud & les Monstres

Restituer les mythes fondateurs de la culture occidentale sans les édulcorer ou les adapter à notre sensibilité contemporaine, n’est pas si aisé. L’idée est audacieuse et l’ampleur du propos très bien adaptée à la série de vingt documentaires coécrits par François Busnel et Gilbert Sinoué. Les deux hommes, à partir des textes antiques composés sur plus d’un millénaire d’Homère, Hésiode, Pindare et ­Eschyle à Diodore de Sicile, Ovide, Apulée et Pausanias, remontent à la source et en proposent une lecture moderne qui n’exclut ni la noirceur, ni la violence, ni l’ambiguïté qui les traversent.

Avec une grande habileté, les auteurs donnent de ces fables primitives, aux leçons souvent divergentes, un récit clair et bien mené. Il se trouve enrichi par le choix iconographique, un judicieux mariage entre des œuvres d’art – des vases grecs aux peintures préraphaélites et symbolistes (Klimt, Moreau) jusqu’à Picasso –, d’élégantes silhouettes noires, délicat clin d’œil à l’esthétique des poteries archaïques, et des animations en 2D pour les épisodes narratifs majeurs. Pas simple pourtant, en marge des figures classiques d’Aphrodite, Apollon, Prométhée ou Hadès – on pointera cependant l’absence de Poséidon, seul fils de Cronos et Rhéa à manquer à l’appel de ce copieux panorama –, de préciser l’enjeu réel des amours de Zeus comme les étapes terribles de sa conquête du pouvoir. Ou de proposer une visite des Enfers jusqu’au fond du Tartare où trois récits édifiants (Sisyphe, Tantale ou Ixion) montrent ce qu’il en coûte de s’obstiner, par ruse, avidité ou luxure, de défier l’Olympe, quand bien même on est, comme le roi de Phrygie, soi-même fils de Zeus.

Représentation de Zeus | Arte

Sans être conçu comme un feuilleton, l’ensemble travaille l’écho, la réminiscence et l’allusion, gage d’une pédagogie efficace que les images renforcent. Les cinq rendez-vous d’octobre – chaque samedi, Arte propose deux jalons de cette redécouverte des mythes – culminent, après la si périlleuse stabilisation du monde divin par Zeus dont tout découle (épisode 1), avec les deux évocations de Dionysos (épisode 8) et d’Hermès (épisode 9).

Tranchant dès sa terrible naissance – simple mortelle, la mère de Dionysos meurt consumée pour avoir voulu voir Zeus dans sa toute-puissance et c’est son père qui soustrait le fœtus à la mort en accueillant dans sa cuisse l’enfant à naître – le bâtard de Thèbes, « l’étranger dans la ville », impose à force d’exploits singuliers et de défis excessifs son rang dans l’Olympe comme sa différence radicale. Leçon exceptionnelle dont on médite encore la portée.

Récit précis et vif

Joueur, voleur, fripon et imprévisible, Hermès, le benjamin surdoué de l’Olympe, est aussi atypique. Farceur dès le berceau, ingénieux et incorrigible au point de s’inviter lui-même parmi les divinités majeures, il sait être pour les dieux un messager au service impeccable mais jamais servile, pour les hommes un recours ambivalent, salvateur parfois – ce qui est rare venant d’un hôte de l’Olympe.

Précis et vif, le récit évite donc les caricatures simplistes et restitue la dimension presque eschatologique de ce grand récit des origines trop souvent réduit à de piquantes historiettes. Sans doute la série aurait-elle gagné à assumer dès son titre de ne regarder les mythes que dans leur matrice grecque. Cette remarque ne doit cependant pas dissuader de savourer cette belle leçon de mythologie pour tous.

« Les Grands Mythes », de François Busnel (Fr., 2016, 20 × 26 min).