Maryse Joissains, la maire LR d’Aix (ici en avril 2014), a menacé de planter une pancarte « Ce lieu est sinistré car l’Etat ne fait pas d’effort pour construire ». | FRANCK PENNANT / AFP

Un parpaing en guise d’accusé… Le barreau d’Aix-en-Provence organise, lundi 3 octobre à 15 heures, un étonnant happening judiciaire : le procès de l’inaction de la chancellerie dans la construction du tribunal de grande instance. Une audience publique se tiendra en plein air sur le terrain vague où doit être érigé un nouveau palais de justice, en lisière du centre-ville. « Ce sera l’occasion de redire que nous voulons un tribunal maintenant et tout de suite avec le premier coup de pioche dès 2017 », résume Philippe Klein, bâtonnier d’Aix-en-Provence qui tiendra le rôle de l’accusateur.

Tribunal correctionnel dans la chapelle

De promesse non tenue en report du projet, l’exaspération a fini par gagner la communauté judiciaire qui attend ce palais de justice depuis 2005 et vit dans le provisoire depuis quarante-quatre ans. Oublié en raison de la taille de mastodonte de la juridiction marseillaise voisine, le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a toujours été le parent pauvre de la justice méridionale. A la fin des années 1970, on le loge dans les locaux de l’ancienne clinique de l’Espérance, le tribunal correctionnel siège dans ce qui avait été une chapelle et le tribunal des enfants investit les anciennes salles d’obstétrique.

Depuis 2010, le tribunal est scindé en deux sites distants de 5 kilomètres, installé dans des baraquements provisoires exigus et ne répondant pas aux normes de sécurité. Les salles d’audience correctionnelles ont la taille d’un mouchoir de poche et il pleut dans certains bureaux.

Pas moins de sept gardes des sceaux ont déclaré urgent et prioritaire de construire un tribunal digne de ce nom. En 2007, un projet jugé trop ambitieux et trop cher est abandonné par le ministère de la justice. L’appel d’offres est relancé, et le nouveau projet signé par l’architecte niçois Marc Barani – 45 millions d’euros – devait être livré fin 2016. Mais il a été sacrifié, fin 2014, sur l’autel de la rigueur budgétaire, après un arbitrage du premier ministre, Manuel Valls.

« Résignation totale »

« Magistrats et fonctionnaires ont à l’époque ressenti une énorme déception et une résignation totale », explique un juge. Le tribunal de Tulle, la ville du président de la République, a été préféré à celui d’Aix-en-Provence, ce qui a fait grincer des dents.

La maire (Les Républicains) d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains, obtient alors l’unanimité du conseil municipal pour proposer à la chancellerie de financer le projet et passer avec l’Etat un contrat de location avec option d’achat. « On ne peut pas tolérer cette verrue », a toujours répété l’élue qui a menacé de planter une pancarte « Ce lieu est sinistré car l’Etat ne fait pas d’effort pour construire ».

L’issue du procès fictif pourrait bien être un renvoi en janvier. Dans un courrier du 8 septembre adressé à Maryse Joissains, Jean-Jacques Urvoas, le garde des sceaux, décline la proposition de la ville de se substituer à l’Etat. Mais il annonce que les études vont reprendre avant la fin 2016 « afin de permettre la mise en concurrence des entreprises qui seront chargées des travaux en 2017 ».

En présentant jeudi 29 septembre son budget, le garde des sceaux a précisé que parmi les marchés de travaux que permettrait de lancer la hausse de 31 % de l’enveloppe immobilière de 2017 pour les palais de justice figure Aix-en-Provence. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ?