« A 52 ans, je me sens prêt pour exercer la fonction présidentielle car cela fait vingt ans que je m’y prépare », confie Jean-François Copé au « Monde ». | Arnold Jerocki/Divergence pour Le Monde

Surtout, montrer qu’il reste dans la cour des grands à droite. Jean-Francois Copé a tenté de renvoyer une impression de force, dimanche 11 septembre, lors de sa rentrée politique. L’ex-président de l’UMP a lancé sa campagne pour la primaire à droite pour la présidentielle, au Cannet (Alpes-Maritimes), aux jardins du Tivoli, dans la ville dirigée par sa directrice de campagne, Michèle Tabarot.

Autour des 130 tables disposées en plein air, sous un soleil écrasant, près de 1 000 personnes ont dégusté une paella après avoir écouté le héraut de la droite « décomplexée » exposer les grandes lignes de son projet. Affiches avec son slogan, « On ne recule plus », drapeaux bleu-blanc-rouge, chapeaux « #JFCLeCannet »...

Entouré par une poignée de parlementaires

Tout avait été fait pour installer l’idée qu’il faudra compter avec le maire de Meaux pour le scrutin des 20 et 27 novembre. Jean-François Copé fait partie des huit candidats ayant déposé leurs parrainages pour participer à la primaire.

Le député de Seine-et-Marne a réservé ses charges les plus lourdes à M. Sarkozy. | Arnold Jerocki/Divergence pour Le Monde

Les temps ont pourtant changé pour l’ex-président de l’UMP, poussé à la démission en mai 2014 en raison du scandale Bygmalion. Alors qu’il avait l’habitude de faire sa rentrée politique à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) depuis dix ans, parvenant à réunir plus d’une cinquantaine d’élus autour de lui, il s’est depuis fait chiper son fief par M. Sarkozy.

Aujourd’hui, M. Copé n’affiche plus la même puissance politique : après avoir connu une traversée du désert de près de dix-huit mois, il est désormais entouré par une poignée de parlementaires. En deux ans, la plupart de ses soutiens l’ont quitté pour rallier Nicolas Sarkozy (Christian Jacob, Jean-Claude Gaudin, Bernard Reynès...) ou Alain Juppé (Jean-Pierre Raffarin, le maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli...).

Ambition intacte

Si M. Copé a perdu des troupes et vu son image sérieusement écornée dans l’opinion à cause de l’affaire Bygmalion, son ambition, elle, reste intacte : le chiraquien, qui rêve de l’Elysée depuis son plus jeune âge, reste convaincu de disposer d’un destin présidentiel.

« A 52 ans, je me sens prêt pour exercer la fonction présidentielle, car cela fait vingt ans que je m’y prépare, confie-t-il au Monde. J’ai toujours construit cette ambition de vouloir servir mon pays. Pendant les années Chirac, j’apprenais. » Pas question de se décourager à la vue des sondages, qui le créditent de 1 % ou 2 % des intentions de vote à la primaire.

Sous un soleil écrasant, près de 1 000 personnes ont dégusté une paella après avoir écouté le héraut de la droite « décomplexée ». | Arnold Jerocki/Divergence pour Le Monde

Lui est convaincu de pouvoir créer la surprise. « Ne vous laissez pas tromper par la bulle des sondages ! », a-t-il lancé à ses fidèles, se plaçant dans la lignée de grands hommes de l’histoire de France, comme Henri IV, Clemenceau ou le général de Gaulle, qui ont « mené au sursaut » du pays, après avoir été « moqués, rejetés ou trahis ».

Le revenant espère faire évoluer le rapport de force à droite, en particulier lors des trois débats télévisés programmés pendant la campagne, estimant disposer d’un énorme avantage par rapport aux autres candidats : ne pas avoir été au gouvernement de 2007 à 2012. Cela lui permet de mettre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire dans le même sac, en les rendant comptables d’un bilan jugé décevant.

« Les autres ont fait leur temps », tranche-t-il, en soulignant qu’ils « ne feront pas demain ce qu’ils n’ont pas fait hier ». Se posant comme l’outsider de la primaire, il a lancé pour se démarquer des favoris : « Il y a la bande des quatre et le cinquième élément venu pour perturber le jeu ! »

Sarkozy pris à parti

Le député de Seine-et-Marne a réservé ses charges les plus lourdes à M. Sarkozy, avec lequel il a des comptes a régler. M. Copé n’a jamais pardonné à son ancien allié de l’avoir chargé devant les enquêteurs en septembre 2015 dans l’enquête sur l’affaire Bygmalion. Alors, il se réjouit aujourd’hui de constater qu’il a été « totalement blanchi » dans ce dossier – il a été placé sous le statut de témoin assisté – tandis que son nouveau meilleur ennemi a été mis en examen et risque un procès.

La France devait « s’affranchir de ses liaisons dangereuses avec le Qatar », un pays avec lequel M. Sarkozy avait établi des rapports privilégiés. | Arnold Jerocki/Divergence pour Le Monde

L’ex-président du groupe UMP à l’Assemblée s’est montré féroce lorsqu’il a dressé l’inventaire du sarkozysme, fustigeant « l’ouverture » à gauche pratiquée en 2007 et « la cogestion du pays avec la CGT ». Avant de lister les « reculades » de M. Sarkozy : la non-suppression de l’aide médicale d’Etat, des trente-cinq heures ou de l’ISF, la réduction des effectifs des forces de sécurité, l’augmentation des impôts à hauteur de 30 milliards d’euros en 2011...

Sans oublier de souligner que la France devait « s’affranchir de ses liaisons dangereuses avec le Qatar », un pays avec lequel M. Sarkozy avait établi des rapports privilégiés. A la limite de la provocation, il s’est même présenté comme « un petit Français de sang mêlé » – une formule employée par M. Sarkozy en 2007 – et a moqué l’ex-chef de l’Etat en le présentant comme « un colosse aux pieds d’argile ». L’époque où M. Copé jurait fidélité à M. Sarkozy – « je serai à ses côtés, quoi qu’il fasse », avait-il promis à l’été 2012 – semble loin. Très loin...

A droite toute

Offensif, il a accusé l’ancien chef de l’Etat de ne pas avoir tenu ses promesses : « En 2007, la droite avait promis la rupture et ne l’a pas faite. Elle a reculé. C’est ce que les Français à juste raison ne lui ont pas pardonné en 2012. » Voulant « réarmer la France », lui propose « une vraie rupture en 2017 », en s’engageant à « aller plus loin » que ses rivaux. Il assure qu’avec lui, « la main ne tremblera pas face aux gauchistes et aux islamistes ».

Jean-Francois Copé compte profiter d’une sortie de route de Nicolas Sarkozy à cause des affaires pour s’imposer dans la course à l’Eysée. | Arnold Jerocki/Divergence pour Le Monde

Sa méthode ? Le gouvernement par ordonnances, à la manière du général de Gaulle en 1958, afin d’appliquer quinze réformes structurelles capables de « redresser le pays ». Sa ligne se veut résolument à droite toute, axée sur une lutte implacable contre l’islam radical (code de la laïcité, interdiction du voile dans tous les établissements publics, obligation pour les imams d’avoir un diplôme de laïcité en français), la baisse de l’immigration (durcissement des conditions du regroupement familial, suppression du droit du sol, il y intègre également la « lutte contre la polygamie »...), la « libération » de l’économie (30 milliards de baisse de charges pour les employeurs, suppression des trente-cinq heures et de l’ISF), et la « restauration de l’autorité » (recrutement de 50 000 policiers, gendarmes, magistrats, gardiens de prison et militaires, le rétablissement des « peines planchers » pour les récidivistes, l’augmentation du budget de la défense).

Bonapartisme contre orléanisme

Son plan secret ? Profiter d’une sortie de route de Nicolas Sarkozy à cause des affaires pour s’imposer dans la course à l’Eysée. A l’entendre, seuls l’ex-chef de l’Etat et lui auraient la détermination nécessaire pour exercer la fonction : « On est deux bonapartistes, les trois autres sont des orléanistes », confie-t-il, en privé, en parlant de MM. Juppé, Fillon et Le Maire.

Reste que M. Copé est encore loin de mener la course en tête. « Il est d’abord à la reconquête du label de présidentiable », observe un élu, qui le connaît bien. Il lui reste un peu plus de deux mois pour faire mentir les pronostics.