Les ultras du PSG face à Bordeaux, le 1er octobre au Parc des Princes. | FRANCK FIFE / AFP

Samedi 1er octobre, entre 17 et 19 heures environ, on a entendu quelque chose d’incroyable au Parc des Princes : du bruit. Le Paris-Saint-Germain (PSG) recevait Bordeaux en fin d’après-midi, et le public parisien, en plus de son chouchou Hatem Ben Arfa (absent du groupe depuis cinq matchs) et du néo-Girondin Jérémy Ménez (ex-joueur de la capitale, de 2011 à 2014), a vu réapparaître la ferveur populaire, qui était portée disparue dans ce stade depuis 2010.

Cette année-là, l’ancien président du club Robin Leproux avait mis en place un plan d’une sévérité absolue pour pacifier le Parc, autour duquel deux supporteurs avaient trouvé la mort en 2006 et en 2010. Quelque 13 000 abonnements avaient été suspendus, les associations de supporteurs avaient été dissoutes, et un système de placement aléatoire en tribunes avait été instauré. Grâce au plan Leproux, les problèmes avaient disparu. A cause de lui, l’ambiance aussi.

Le béton du Parc a tremblé

Ces dernières années, la plus belle équipe de France jouait dans une atmosphère si terne que les spectateurs n’étaient plus les seuls à pleurer les chaudes soirées d’antan : même le président Nasser Al-Khelaïfi en était venu à réclamer plus de boucan, et certains joueurs (comme Blaise Matuidi) avaient fini par souhaiter ouvertement que s’achève la mise au ban des ultras. Cette semaine, la préfecture de police de Paris a donné son accord au retour de ces supporteurs plus enthousiastes et turbulents que la moyenne, précisant que, « en cas d’incidents constatés », elle « s’opposer [ait] à la poursuite de cette présence des ultras au sein du Parc des Princes ».

Cette présence se poursuivra au moins le temps d’un match : le coup d’essai face à Bordeaux s’est parfaitement déroulé. Ce n’était qu’un début, et il s’agissait moins, samedi, du « retour des ultras » que du regroupement au même endroit – le virage Auteuil, en l’occurrence – de quelques centaines d’entre eux, membres du Collectif Ultras Paris (CUP), jusqu’alors éparpillés aux quatre coins du stade par le placement aléatoire. Verdict : 200 types répartis au hasard dans le stade par groupes de 4 (maximum), et les mêmes 200 rassemblés au même endroit, et capables d’entraîner dans leur bruyant sillage des milliers de supporteurs, ce n’est pas pareil.

Le stade a littéralement vibré, les tympans des spectateurs et le béton du Parc ont été mis à l’épreuve comme ils ne l’avaient plus été depuis un paquet d’années. « Je ne sais même pas à quand remonte la dernière fois que j’avais vu une ambiance comme ça », commente Bruno, le sympathique abonné aux jumelles dont nous faisions le portrait la saison dernière.

Des chants de la 1ère à la 90e minute, et au-delà

On a certes entendu les insultes de rigueur à l’égard du camp adverse, dont on peut considérer qu’elles font partie du folklore. Quelques « Liberté pour les ultras ! » ont retenti de-ci, de-là. Mais aucun incident n’a perturbé cette grande première, dont les joueurs du PSG se sont globalement félicités. Pas de banderole injurieuse, pas de chant raciste, pas de bagarre. Rien que la fête, du coup d’envoi au coup de sifflet final d’une rencontre où les tribunes ont réussi à voler la vedette à Edinson Cavani, auteur des deux buts de la victoire parisienne (2-0).

Banderoles et tifos n’étaient pas encore autorisés, alors les ultras de nouveau réunis se sont contentés des chants traditionnels (« Ô ville lumière », « Ici c’est Paris », « Nous sommes les ultras de la capitale, et notre ferveur est inébranlable », etc.), d’applaudissements à s’en faire rougir les paumes, et d’un grand classique : la danse grecque, dos au terrain, bras dessus, bras dessous, en bondissant de droite à gauche puis de gauche à droite.

La fameuse danse grecque des ultras du PSG, dos au terrain. | FRANCK FIFE / AFP

« Ça fait plaisir, se réjouit Franck, 46 ans, fidèle du Parc depuis vingt-cinq ans. Depuis le plan Leproux, c’est la misère, ça fait six ans qu’il n’y a plus rien. Il serait temps que ça reparte. » Du haut de son mètre soixante-dix, Diego, 49 ans et abonné depuis 1983, n’a quasiment rien vu du match, puisqu’il n’a pas pu se faufiler jusqu’à sa place dans la meute trop compacte (et trop haute) des ultras, mais il a quand même apprécié le spectacle : « Depuis le début de l’ère qatarienne, jamais, même en Ligue des Champions, il n’y avait eu des chants de la 1ère à la 90e minute sans interruption. »

Dans trois semaines, PSG-OM…

En l’occurrence, les chants ont même continué au-delà, puisque dans une enceinte qui s’était par ailleurs rapidement vidée, les ultras s’agitaient encore un bon quart d’heure après avoir été salués par les joueurs, comme s’il s’agissait pour eux de rattraper un peu du temps perdu depuis six ans.

Les ultras sont restés dans le stade un bon quart d’heure après la fin du match. | Le Monde / HS

PSG : "Liberté pour les ultras"
Durée : 00:19

Les quelque 200 membres du CUP se sont ensuite rassemblés sur un rond-point à l’extérieur du stade, autour d’un homme armé d’un mégaphone, qui a lancé un dernier « Liberté pour les ultras » pour la route, et cette dernière consigne, sous les applaudissements et juste avant la dispersion des troupes : « Pas de pétard ! Pas de fumigène ! Ça fait six ans qu’on galère, on va pas tout niquer à cause d’un pétard ! »

Jusqu’ici, tout va bien. Les prochaines rencontres devraient voir grossir les rangs des ultras au sein du virage Auteuil, que ce soit par le rapatriement de certains d’entre eux encore disséminés dans l’enceinte, ou carrément par le retour d’autres qui n’avaient plus mis les pieds au stade depuis 2010, parce qu’ils n’en avaient plus envie ou qu’ils y étaient devenus indésirables. « Je croise les doigts pour que ça continue à bien se passer, souffle Bruno. Le gros test, ce sera dans trois semaines, face à l’OM [le 23 octobre]. Les mecs seront chauds comme des baraques à frites… » Le Parc des Princes est prêt à redevenir magique. Le PSG ne gagnera sans doute pas la Ligue des Champions cette saison. Mais il va peut-être regagner un public.

Un membre du Collectif Ultras Paris montre son t-shirt. | L

Autrement dit, le CUP. | Le Monde / HS

Le président des ultras recalé du Parc

Ce fut la seule fausse note de la journée : trois heures avant le coup d’envoi, six des douze leaders du Collectif Ultras Paris (CUP), dont le président Romain Mabille, apprenaient qu’ils étaient interdits d’entrée dans le stade, et tombaient des nues. « On ne comprend pas comment on peut accepter une association, mais refuser son président, explique ce dernier, qui a finalement regardé le match dans un bar voisin. La préfecture avait donné son accord, et le jour du match, on apprend à 14 heures qu’elle change d’avis. On a demandé des explications, on n’en a pas eu. On espère que c’est la situation d’un match, et que ça ne va pas rester figé. » Du côté de la préfecture, on dément être à l’origine de cette interdiction. Le PSG n’a pas répondu à nos sollicitations à ce sujet. Après la rencontre, Romain Mabille estimait que, hormis cet incident, la journée s’était « bien passée : on a montré ce qu’on pouvait faire, et qu’on n’était pas violents. »