En cette période préélectorale, François Hollande veut-il démontrer que le volontarisme politique peut avoir du bon ? En tout cas, l’usine Alstom de Belfort devrait poursuivre son activité au-delà de 2018, date initiale à laquelle la direction du constructeur ferroviaire souhaitait transférer la partie fabrication et bureaux d’études vers l’usine alsacienne de Reichshoffen.

Chez Alstom, après le choc de l’annonce début septembre, la solution présentée mardi 4 octobre est inespérée. Alors qu’Henri Poupart Lafarge, le PDG de la société, souhaitait lancer une première restructuration industrielle, le gouvernement lui a montré une autre voie. Personne ne peut reprocher cette fois-ci à l’Etat d’avoir lâché son constructeur national. Le plan alternatif concocté avec Bercy est large et massif. Les salariés du groupe, et notamment les 480 de Belfort, ne pourront pas dire que le gouvernement est indifférent à son sort.

Sécurisation du site de La Rochelle

Le sauvetage du site par le biais de deux commandes d’une vingtaine de rames de TGV est une bénédiction pour les salariés. La première vient de la SNCF pour six rames devant circuler entre la France et l’Italie, tandis que la seconde provient de l’Etat en tant qu’autorité organisatrice des transports des trains Intercités. En jouant cette carte, l’Etat a dans le même temps obtenu une certaine sécurisation du site de La Rochelle, qui assemble les voitures de TGV, Belfort se limitant à fabriquer les motrices avant et arrière de chaque rame.

Pour l’usine belfortaine, ces commandes se traduisent par de la charge supplémentaire pour les ateliers, mais aussi par un surplus de travail pour les bureaux d’études attenants, qui rassemblent plus de 150 personnes sur le site. Surtout, alors que la production française de locomotives de fret devrait s’éteindre d’ici 2018 malgré quelques commandes complémentaires de la part de SNCF Réseau, l’Etat et Alstom ont trouvé des moyens d’assurer une nouvelle orientation au site.

Quel impact sur les régions ?

Le site de maintenance ferroviaire est renforcé et devient un centre d’excellence au niveau européen, avec des investissements substantiels en parallèle : à la clé, 150 personnes, deux fois plus qu’aujourd’hui. Dans le même temps, Alstom va se lancer sur le très prometteur et très concurrentiel marché des bus électriques.

Cette débauche d’annonces, cependant, pose des questions. Tout d’abord, à quel prix sauve-t-on ce site de 480 salariés ? Les seules commandes de TGV vont coûter plus de 700 millions d’euros d’argent public, sans compter les commandes complémentaires. Sauver un seul site, fût-il historique et symbolique, risque d’alourdir le budget de l’Etat. Du moins si la puissance publique va au bout de ses commandes.

Les négociations s’ouvrent à peine et il faudra voir ce qu’il advient après l’élection présidentielle du printemps 2017. De même, l’Etat pourrait se défausser sur les régions desservies par ces nouveaux trains pour régler la facture.

Quid de l’Europe ?

Ces nouveaux TGV devraient desservir la transversale Sud, entre Bordeaux et Nice, par Toulouse, Montpellier et Marseille, comme l’indiquent Le Figaro et la lettre professionnelle Mobilettre. A l’horizon 2021, certaines portions de cette voie seront des lignes à grande vitesse (LGV), notamment la LGV Montpellier-Marseille et le contournement Nîmes-Montpellier qui ouvrira en 2017. Enfin, il faudra encore attendre pour voir une éventuelle LGV entre Bordeaux et Toulouse.

Faire rouler à 200 km/h du matériel capable de rouler à 320 km/h n’est pas très optimal et rationnel pour un opérateur. Une rame TGV coûte deux fois plus qu’un matériel classique. Les négociations entre l’Etat et Alstom seront donc rudes sur le coût des machines. De même, il faudra amortir ce matériel, ce qui pourrait se traduire in fine dans le prix des billets…

Cette commande directe pose également une question juridique. L’Europe ne risque-t-elle pas de s’agacer de voir un Etat venir en aide à son constructeur national en lui passant un contrat de commande de gré à gré ? L’Etat et Alstom disposent cependant d’une arme, les contrats-cadres existants d’achat de TGV. Pour ces derniers, l’Etat active simplement une option d’achat prévue.

Enfin, si Belfort et La Rochelle sont sortis de l’ornière, quid des usines d’assemblage de Valenciennes (RER, métro) et Reichshoffen (Intercités) ? Il faudra qu’Alstom remporte cette fois des appels d’offres, sans le soutien inconditionnel de l’Etat.