Les enseignants-chercheurs et le personnel administratif de l'UFR de psychologie de l'université Toulouse Jean-Jaurès ont voté la fin de la grève, mercredi 5 octobre. | MATTHIEU RONDEL POUR "LE MONDE"

Les étudiants en psychologie de l’université Toulouse Jean-Jaurès (ex-le Mirail) vont enfin pouvoir faire leur rentrée. Après trois semaines de grève, la centaine d’enseignants-chercheurs et de personnels administratifs ont décidé, mercredi 5 octobre, lors d’une cinquième assemblée générale réunissant 600 personnes, de voter la reprise des cours pour le 10 octobre. Avec le soutien des étudiants, ils avaient décidé à l’unanimité de ce mouvement pour dénoncer le manque de moyens dans cette unité de formation et de recherche (UFR) qui compte 5 200 étudiants – ils étaient 4 000 en 2012.

« Lorsque vous tendez une corde de plus en plus fort, on ne peut pas prévoir quand elle casse, mais elle casse. Ce point de rupture a été atteint en psychologie, avec un effectif étudiant en très forte progression à tous les niveaux sans les moyens pour y répondre », résume le directeur de l’UFR, Eric Raufaste. A la rentrée, l’université a dû faire face à un afflux supplémentaire de 500 étudiants, un peu plus de la moitié en licence, l’autre en master. « Notre première année compte plus de 2 000 étudiants à gérer et nous avons un seul secrétaire pédagogique pour les accueillir, qui est d’ailleurs en arrêt maladie. » 

Les grévistes ont obtenu de la présidence de l’université l’assurance du financement d’un certain volume d’heures d’enseignement supplémentaires et la création de deux postes d’administratifs, ainsi qu’un poste d’enseignant-chercheur pour la prochaine rentrée. Une nouvelle assemblée générale est cependant prévue le 21 octobre, pour vérifier que les promesses sont tenues.

Mercredi, dans l’amphi 8, l’un des plus grands de l’université, des étudiantes en master 1 ne cachaient pas leur soulagement. « On trouve le mouvement justifié, mais ça commençait à être long. » Pour les enseignants, les difficultés vont perdurer. « On était à bout de souffle, on a obtenu un respirateur artificiel », lance une enseignante-chercheuse au micro. « La rentrée ne se fera pas dans de très bonnes conditions, mais ce sera moins catastrophique », reconnaît Eric Raufaste.

La taille des salles de TD de ce bâtiment flambant neuf que vient d’investir l’UFR de psychologie reste problématique : 30 places y ont été prévues mais une grande partie de ces travaux dirigés comptent désormais… entre 35 et 38 étudiants.

Les conditions se durcissent aussi dans d’autres disciplines, avec des répercussions pour les étudiants de psychologie. « Ceux qui veulent aujourd’hui suivre un cours de sociologie ne peuvent plus le faire, si ce n’est en contrôle final, à distance donc », dénonce Aurélie-Anne Thos, étudiante en master 1, élue dans les conseils de la fac. Il n’est plus possible non plus de suivre des cours d’anglais pour ceux qui n’ont pas un niveau assez élevé, a décidé l’UFR de langues, lui aussi sous pression.

« Boom démographique »

« L’autonomie, c’est la mise en concurrence des universités aussi en interne, dénonce Patricia Rossi, enseignante-chercheuse en psychologie. On nous renvoie la pénurie à gérer entre nous. » Donner plus à l’une des composantes peut faire craindre aux autres d’avoir moins. Pour éviter ce scénario, dans cet établissement qui réunit arts, lettres, langues, et sciences humaines et sociales, l’espoir est grand vis-à-vis des 100 millions d’euros promis par l’Etat en 2017 aux universités, en fonction des progressions d’effectifs des établissements, qui accueillent entre 30 000 à 40 000 étudiants de plus à chaque rentrée, depuis trois ans.

« Outre le boom démographique général, il y a eu cette année d’importants mouvements d’étudiants dans le Grand Sud », souligne Daniel Lacroix, le président de l’université. « Toutes les facs voisines ont fait le choix du contingentement, dénonce Eric Raufaste. Nous recevons donc de plus en plus d’étudiants de Bordeaux, d’Aix ou même d’Albi. Sans compter la fermeture, annoncée à l’été, du service d’enseignement à distance de psychologie de Reims, dont 300 étudiants se sont reportés sur notre service. »

A Jean-Jaurès, la question d’une limitation plus drastique des capacités d’accueil en licence 1 est particulièrement taboue. Jusqu’ici, la fac de psycho les a fixées de manière à pouvoir accueillir la plupart des étudiants qui le demandent, même ceux venant d’autres académies.

« L’université n’a pas le droit de sélectionner ainsi. Cela ne correspond pas à notre vision du service public », défend une enseignante-chercheuse. « Nous sommes une fac avec certaines valeurs très fortes, dont celle de l’ouverture », relève Eric Raufaste qui ne cache pas son inquiétude face à la poursuite de l’augmentation du nombre d’étudiants.

« C’est bien beau le Mirail, on est une terre d’accueil pour tout le monde, sauf pour les profs et les moyens », grince une étudiante venue assister à l’assemblée générale. Le sujet n’était pas à l’ordre du jour des grévistes, mais il viendra sur la table dans les semaines qui viennent, lors du conseil d’UFR qui devra définir le chiffre à transmettre à la plate-forme d’Admission postbac (APB).

« Nous sommes pris entre des contradictions, reconnaît le président de l’université. Tout le monde se défausse. Le ministère ne met pas en place de véritable système d’orientation mais plutôt des règles opaques qui changent sans arrêt sur APB. Certaines universités modulent sciemment leurs capacités d’accueil à la baisse. Et on nous laisse nous débrouiller. »

« Restez mobilisés, même si les cours reprennent, le combat continue ! », harangue un étudiant au micro, avant d’engager les 600 participants à venir à une nouvelle assemblée générale jeudi 6 octobre, à l’échelle de l’université cette fois-ci. Mais aussi pour évoquer le projet très sensible de fusion entre universités toulousaines qui revient sur la table. La rentrée du Mirail ne fait que commencer.