Dans l’État de Borno dévasté par les actions terroristes du groupe djihadiste nigérian Boko Haram, les humanitaires font état de milliers de disparitions chez les enfants de sexe masculin : « Nous savons que plus de 10 000 garçons ont été enlevés par Boko Haram au cours des trois dernières années », affirme Oxfam.

Selon l’ONG britannique, bon nombre d’hommes adultes manquent également à l’appel : « Lorsque nous nous rendons dans les camps, la plupart des gens que nous voyons sont des femmes et des enfants, surtout des filles », explique Fausto Aarya De Santis, coordinateur régional d’Oxfam au Nigeria. « C’est une société polygame et lorsqu’un homme est tué, détenu ou enlevé, il ne laisse pas seulement une, mais trois ou quatre femmes derrière lui, avec leurs enfants. »

Besoin d’enfants pour former de futurs djihadistes

À Farm Center, un camp de personnes déplacées à Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, on compte 65 % de filles pour seulement 35 % de garçons, sur un total de presque 8 000 enfants. Chez les adultes, le constat est similaire : 67 % de femmes pour 33 % d’hommes sur un total d’environ 5 700 adultes. La situation est la même dans la plupart des autres camps et communautés de personnes déplacées au nord-est du Nigeria, comme le résume Oxfam : « Dans la plupart des endroits, les hommes et les garçons semblent avoir tout simplement disparu ».

Le groupe terroriste Boko Haram pourrait avoir kidnappé ces enfants dans le but de les façonner en apprentis djihadistes et d’assurer la relève, à l’image de l’État islamique qui séquestre et transforme de jeunes recrues en soldats. Mais le groupe n’a jamais communiqué à ce sujet ni publié de vidéo de propagande prouvant que ces garçons étaient bel et bien entre ses mains.

L’armée nigériane pointée du doigt

Par ailleurs, ces disparitions en masse ne peuvent être uniquement la conséquence des enlèvements perpétrés par Boko Haram. L’armée nigériane est aussi pointée du doigt : arrestations en bloc, incarcérations arbitraires, les rescapés de l’insurrection se retrouvent bien souvent accusés par l’armée d’avoir un lien avec les terroristes. « Les hommes, en particulier les jeunes adultes, se retrouvent piégés dans ce cercle vicieux de la violence avec Boko Haram d’un côté, et l’armée nigériane de l’autre », note Fausto Aarya De Santis. « Ils sont cernés par la peur. La peur de mourir, la peur d’être recrutés de force, la peur de laisser leur famille derrière eux, et maintenant aussi la peur d’être accusés de pactiser avec Boko Haram, au fur et à mesure que l’armée regagne les territoires où ils ont été pris au piège. »

Les femmes ayant vu leur enfant ou mari se faire arrêter par l’armée et accuser de complicité de terrorisme n’ont par la suite plus jamais entendu parler d’eux. « Si la disparition de ces garçons avait été un événement isolé, la peur perpétuelle des populations survivantes ne serait pas à l’échelle de ce que nous voyons aujourd’hui », ajoute Oxfam, qui souligne que ces disparitions sont toujours d’actualité. « La réponse humanitaire consiste à sauver des vies de la famine et à soulager les souffrances, mais nous devons nous assurer que ces garçons et ces hommes ne tombent pas dans l’oubli. »