Un monoroue. | FREDERIC J. BROWN / AFP

Pour rien au monde, elle ne voudrait revenir à la marche à pied. Isabelle ne peut plus se passer de sa trottinette. « Là où je mettais quinze à vingt minutes pour me rendre dans l’école où j’interviens l’après-midi, il ne me faut plus que cinq minutes », confie cette quadra convertie depuis un an à la patinette. « J’habite à Neuilly et, pour me rendre aux Halles, il me fallait quarante minutes en métro. Avec ma trottinette électrique, je gagne vingt minutes », confie Jean, l’heureux propriétaire d’un engin à plus de 1 000 euros.

Pour Patrice, quarante ans, c’est aussi pour gagner un quart d’heure chaque matin qu’il a cédé : « J’ai déménagé l’an dernier et cela me prenait trente minutes de plus pour aller à mon travail en enchaînant RER, métro et bus… Aujourd’hui, je sors du RER et je poursuis en trottinette. Au début, tous mes potes se foutaient de moi. Et puis certains ont aussi craqué », sourit-il.

Sur le grand marché de la mobilité urbaine, qui sera célébré du 7 au 10 octobre au Salon Autonomy qui se tient à la Villette, à Paris, l’un des secteurs les plus dynamiques est celui des objets de « micromobilité » urbaine. Après l’essor du vélo à assistance électrique, qui s’écoule désormais à 100 000 exemplaires par an en France, les trottinettes, les monoroues gyropodes, mais aussi les draisiennes, les planches à rouler électriques et autres « smartboard » (où l’on tient en équilibre sur deux roues) sont en train de coloniser trottoirs et pistes cyclables.

« C’est tout sauf une surprise, glisse Ross Douglas, l’organisateur du Salon Autonomy. Avec une densité urbaine toujours plus forte, des questions de pollution atmosphérique et le progrès technologique, de nouveaux types de mobilité plus douce ont émergé comme les monoroues ou les trottinettes. Ces objets facilement pliables et portables complètent parfaitement les transports en commun ou le covoiturage, par exemple. »

Un million par an

« Ces objets sont devenus de vrais objets de “lifestyle” urbain », assure Grégoire Hénin, de Micro System France, le distributeur des trottinettes Micro. C’est cette société qui a signé le retour de la patinette dans les centres-villes au début des années 2000 en l’adaptant aux adultes. « A l’époque, on pouvait en vendre jusqu’à 80 000 unités par jour dans le monde », rappelle-t-il. Depuis, le marché s’est progressivement stabilisé en France autour d’un million d’exemplaires par an. Outre Micro, l’enseigne Decathlon a fait beaucoup pour populariser ces objets.

« Aujourd’hui, la trottinette électrique tire ce marché », poursuit M. Hénin. Un constat confirmé par Vincent Bourdeau, qui vend ces produits dans sa boutique parisienne Urban 360. « En 2008, j’en ai vendu trois exemplaires, indique-t-il. Désormais, c’est plusieurs par jour… Pratique, passe-partout, cet objet peut être facilement rangé chez soi ou à son bureau, ce qui permet d’éviter de se le faire voler comme un vélo. »

Comme le marché émerge à peine, aucune donnée consolidée n’est encore disponible et chacun y va de son évaluation. « Chaque année, le marché double », assure cependant Christophe Bayart, le créateur de l’enseigne Mobility Urban. En 2016, il devrait se vendre de 4 000 à 5 000 trottinettes électriques et de 3 000 à 4 000 monoroues dans le pays, pronostique-t-il. Sachant que le prix d’achat moyen est de 1 000 euros par machine, le secteur pèserait quelque 10 millions d’euros. En 2016, le marché du vélo électrique a atteint 88 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Force de frappe

Pour Carel Wijngaards, le marché est plus important. « En 2014, environ 2 000 trottinettes électriques pour adultes ont été vendues, estime le patron d’Etwow France, importateur du chinois de la trottinette électrique. L’an dernier, c’était autour de 10 000 unités et cette année on devrait atteindre les 30 000 exemplaires. Et, assez rapidement, le marché devrait en absorber 100 000, soit autant ou plus que les vélos électriques. C’est un phénomène durable, pas un simple effet de mode comme les smartboards. »

Alors qu’une dizaine de points de vente commercialisaient ces produits en 2014, il y en aurait désormais plus de 200 en France. Et les grands distributeurs explorent aussi le marché. « Boulanger, la Fnac ou Go Sport mènent des tests actuellement. Et s’ils rentrent le marché va grossir d’un coup, indique un vendeur indépendant. A terme, cela peut être compliqué de leur résister, car ils ont une force de frappe incomparable. »

Sur ce nouveau marché, la quasi-totalité des produits viennent de Chine. A part le suisse Micro, qui vient de s’associer à PSA pour lancer une trottinette électrique, et l’allemand Egret, les grands du secteur sont tous chinois comme Etwow, In Motion, Solowheel ou Ninebot, qui a racheté Segway, l’entreprise qui a popularisé le gyropode.

Des PME françaises tentent également de percer comme LTrott ou Weebot, mais l’environnement est difficile. Et d’autres gros acteurs se préparent comme Decathlon, Honda ou Toyota. Ils disposent déjà de produits, mais ils attendent la mise en place de normes pour les vendre. L’Afnor (Association française de normalisation) en promet une pour 2017 ou 2018.