A l’université Caen-Normandie. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Editorial du « Monde ». Sous réserve que le projet soit entériné par le Parlement cet automne, la sélection à l’entrée en master devrait être instaurée par les universités dès la rentrée 2017. Gouvernement, présidents d’université, syndicats d’enseignants et organisations d’étudiants ont, en effet, trouvé un accord, le 4 octobre, pour régler ce problème qui empoisonne le monde universitaire depuis des années.

L’affaire paraîtra incompréhensible aux non-initiés, mais elle touche à des principes – à des tabous – qui en font un dossier explosif. De quoi s’agit-il ? Afin d’harmoniser les diplômes et de favoriser la mobilité des étudiants, les études supérieures ont été réorganisées, en 2002, sur le modèle européen dit « LMD » : licence en trois ans, suivie de deux années de master, débouchant éventuellement sur le doctorat. Mais il a subsisté une sélection à l’entrée de la deuxième année de master, correspondant aux anciens DEA et DESS. Du coup, des étudiants ont été écartés par cette sélection en deuxième année et empêchés de terminer leur master. Depuis deux ans, quelques dizaines d’entre eux ont engagé des procès contre leur université et, en février, le Conseil d’Etat leur a donné raison : faute d’un décret fixant la liste des masters autorisés à choisir leurs étudiants, toute sélection est exclue. Sauf à refixer les règles du jeu, ce que le gouvernement s’apprête donc à faire.

Aller au bout de la démarche

Cette initiative est salutaire, car il était urgent de sortir de ce pataquès juridique. Elle est également pertinente, car elle répond aux demandes insistantes de bon nombre de présidents d’université et d’enseignants : si la capacité globale d’accueil en master est satisfaisante, les formations les plus demandées ne peuvent accepter tous les candidats sans remettre en cause la qualité de leur diplôme et leurs débouchés. Elle est enfin courageuse, tant la notion même de sélection à l’université fait figure d’épouvantail politique, notamment depuis les déboires du projet de loi Devaquet, il y a trente ans.

Reste à aller au bout de la démarche. Cela impose de fixer des critères de recrutement en master objectifs et transparents. Cela suppose, dès lors que le droit à la poursuite d’études est réaffirmé par l’accord du 4 octobre, de vérifier que les universités n’entasseront pas les recalés des masters sélectifs dans des masters de second rang, filières de relégation dont le système éducatif français est coutumier. Cela implique de ne pas multiplier les exceptions, comme celles dès à présent prévues pour le droit et la psychologie.

Cela, enfin, invite à réfléchir plus largement, à l’entrée en licence voire à l’entrée dans le supérieur, à une meilleure articulation entre droit aux études, capacités des étudiants et qualité des diplômes. Il serait temps de sortir de cette hypocrisie bien française qui consiste à clamer un principe – la liberté d’accès à l’enseignement supérieur – et à laisser prospérer un système qui, pour une bonne part, fait exactement le contraire : en effet, la moitié environ des bacheliers qui entrent dans le supérieur choisissent déjà une voie sélective – « prépas » aux grandes écoles, BTS, IUT, écoles de commerce ou d’ingénieurs post-bac, bi-licences, instituts d’études politiques, écoles d’art, de journalisme, d’architecture, de social, de paramédical… Si l’accord du 4 octobre a tracé une méthode permettant d’engager sereinement cette réflexion, on ne peut que s’en réjouir.