L’équipe de France de sport adapté pose avec l’ancien sélectionneur Raymond Domenech après sa victoire en demi-finales de l’Euro 2016 mardi à Saint-Denis. | A.H

La petite centaine de spectateurs, dont une majorité d’enfants d’établissements spécialisés et l’ancien sélectionneur Raymond Domenech en invité de marque, célèbre joyeusement l’équipe de France qui vient de se qualifier pour la finale de l’Euro 2016.

Trois mois après les joueurs de Didier Deschamps, d’autres Bleus viennent eux aussi de remporter leur demi-finale, mardi, au parc des sports Auguste-Delaune de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). L’équipe de France de sport adapté, réservée aux personnes en situation de handicap mental ou psychique, a battu la Suède (3-2) au terme d’un match plein de suspense, qu’elle a pourtant largement dominé. La finale face à la Pologne aura lieu jeudi 6 octobre à 15 heures à Villepinte.

A priori, rien ne différencie ces footballeurs des autres adeptes du ballon rond. Le niveau de jeu est plutôt bon et il est proche de certaines divisions départementales ou régionales du football amateur. Un critère strict mais invisible permet cependant d’intégrer ou non les athlètes au sein du sport adapté : celui du QI, qui doit être inférieur ou égal à 70 avec une tolérance à 5 points.

« Ce sont de véritables sportifs qui s’entraînent quatre fois par semaine et partent en stage parfois au pôle France de Reims. Il est dur de les distinguer des autres sportifs. Lorsque l’on regarde en surface, on ne voit pas tout le travail fourni, leur vie souvent difficile, les regards portés sur eux qui ne sont pas faciles à gérer », explique Hervé Dewaele, directeur technique national adjoint au sein de la Fédération française de sport adapté (FFAS).

Grand et élégant défenseur central, le capitaine Lassana Camara affiche des qualités intéressantes de relance et de placement, assorties d’un calme à toute épreuve. A 25 ans, il a commencé le football à l’âge de 8 ans mais n’a intégré un club de sport adapté qu’à l’âge de 15 ans. Deux ans après sa détection, il intégrait l’équipe de France, avec laquelle il a déjà disputé deux Coupes du monde en Afrique du Sud (6e en 2010) et au Brésil (5e en 2014). « Il n’y a pas de différences. C’est le même foot, rien qui change. On s’entraîne dur. On prend beaucoup de plaisir. On fait des stages ensemble. Nous sommes une équipe jeune avec 23 ans de moyenne d’âge. Parfois, il y a de la déconcentration et des difficultés sur les consignes », exprime-t-il.

Le sélectionneur français Bruno Plumecoq a, lui, le sourire après une rencontre où ses protégés ont fait montre d’une maîtrise impressionnante pendant la majeure partie du temps mais où ils auraient pu concéder l’égalisation en fin de rencontre. « Ça a été un match symptomatique du sport adapté », explique-t-il.

Plus encore qu’en temps normal, le coaching doit être empreint de doigté et de psychologie. « Tout est multiplié par deux ou par trois. Les émotions sont à fleur de peau. On voit plus vite le problème, qui est clair, net et franc, mais on met plus de temps à le résoudre. L’erreur de l’entraîneur se voit plus vite. Avec leur difficulté de compréhension, c’est toujours de ma responsabilité », raconte ce cadre de la Fédération française de football (FFF), détaché au sport adapté depuis dix-sept ans.

« Tout est exacerbé »

« Les joueurs sont de vraies éponges émotionnelles. Un but encaissé, une consigne mal reçue ou une faute subie, peut dérégler la machine », confirme le DTN adjoint Hervé Dewaele. Après le premier et le deuxième but suédois, lorsque les adversaires ont réduit par deux fois l’écart, le collectif tricolore s’est délité et certains joueurs sont sortis de leur match. « Il est très important de travailler sur l’esprit du groupe. Tout est exacerbé. On connaît nos profils de joueurs par cœur. Heureusement, nous avons des relais sur le terrain qui transmettent nos consignes et calment les autres. Lassana l’a très bien fait », ajoute Bruno Plumecoq.

Sur les 61 000 licenciés de la FFSA (la licence est multisport), plus de 10 000 pratiquent le football. Mais tous ne sont pas sélectionnables en équipe de France puisque tous les internationaux doivent avoir une double licence : FFSA et FFF. La plupart évoluent donc dans des clubs de district, certains en ligues régionales et l’un des habituels internationaux, blessé pour cette compétition, a même fait des apparitions en CFA 2 à Balma (Haute-Garonne). « Le staff de l’équipe de France est en lien avec les clubs de la FFF. Il y a un suivi sportif mais aussi social et professionnel. On ne peut pas faire du haut niveau sans un équilibre entre ces trois dimensions », explique Hervé Dewaele.

Ainsi, tous les membres de l’équipe de France de sport adapté se sont forgé une culture foot dès leur plus jeune âge en débutant dans des clubs FFF. Puis, ils ont été repérés, souvent à la suite d’échecs scolaires ou à cause de difficultés diverses qui peuvent aller du handicap au trouble du comportement. Une détection qui n’est pas infaillible. « A tous les niveaux, on retrouve des joueurs en difficulté, qui pètent des plombs, qui ont de mauvaises relations avec la presse ou leurs coéquipiers. Je pense que certains joueurs, au niveau régional, championnat de France amateurs ou même en pro, n’ont jamais été détectés », confie Bruno Plumecoq.