L’attaque s’est produite en plein jour. Sous un soleil brûlant. Il était un peu plus de 14 heures, jeudi 6 octobre, quand des assaillants ont lancé un raid sur le camp de réfugiés de Tazalit, au Niger. Sur ce site d’accueil, situé à 180 km de la frontière malienne et à plus de 300 km au nord de la capitale, Niamey, sont installés environ 4 000 réfugiés maliens. Des éleveurs nomades, essentiellement touaregs, qui ont fui leur pays et circulent dans la zone pour faire paître leurs troupeaux. Ce n’est pas eux qui étaient la cible du commando. « Ils sont venus à bord de quatre pick-up équipés d’armes collectives en provenance du nord du Mali. Ils ont pris par surprise les gardes qui étaient en train de déjeuner », raconte le ministre nigérien de la défense, Hassoumi Massaoudou. Le bilan de la fusillade qui n’a visé que le poste de sécurité, est extrêmement lourd pour les forces nigériennes. Sur les 29 soldats déployés sur place, 22 ont été tués, dont 14 éléments de la garde nationale, et 5 ont été blessés, dont un grave, selon le décompte établi par les autorités. « Ils ont pris de l’armement et tenté de partir avec l’ambulance du camp mais comme elle n’a pas démarré, ils l’ont brûlé », relate une source humanitaire.

Qui étaient les assaillants ? Pour Hassoumi Massaoudou, cela ne fait guère de doute. « Ce sont des terroristes ! Des gens d’AQMI, d’Ansar Eddine et du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Tous ces groupes, c’est la même chose. Ils viennent de Kidal et Tinzawaten [deux localités du nord du Mali] et sont repartis au nord du Mali après leur forfait. Nous les avons poursuivis mais nous avons dû nous arrêter à la frontière. Barkhane” [la force française déployée au Sahel] et la Minusma [Mission de l’ONU au Mali] ont été alertées », explique le ministre. Le gouvernement de Bamako et les milices rivales qui circulent dans le nord du Mali ont également été prévenus, indique une autre source gouvernementale.

Fronts à découvert

La porosité entre les groupes armés, djihadistes ou non, principalement touaregs, installés dans le septentrion malien est une réalité, mais la zone frontalière entre le Niger et le Mali est également le théâtre de violents affrontements entre pasteurs peuls et touaregs en lutte pour un accès aux pâturages dans cet environnement semi-désertique. Le conflit au nord du Mali, la constitution de milices communautaires, les interférences étatiques ou de trafiquants transfrontaliers n’ont fait qu’accentuer les tensions.

« On est dans un environnement crisogène. Il y a trois semaines, les forces de sécurité postées au camp de Tabareybarey, qui abrite aussi des réfugiés maliens, avaient été la cible d’une attaque [deux réfugiés avaient été tués et plusieurs autres blessés], mais il n’y a pas forcément de lien avec celle de Tazalit », précise un membre du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR).

Coincé entre un Mali qui n’arrive toujours pas à faire la paix avec ses rébellions, une Libye en déréliction et un Nigeria qui n’en a pas fini avec sa guerre avec Boko Haram, le Niger est soumis à une intense pression sécuritaire. « Nous sommes sous tension depuis cinq ans. Nous sommes sur trois fronts. Notre dépense de sécurité a été multipliée par quinze et cela est fait au détriment des secteurs sociaux », grogne Hassoumi Massaoudou. L’armée nigérienne paie en effet au prix fort des conflits en partie importés sur son sol. En juin, une attaque attribuée à Boko Haram sur la ville frontalière de Bosso, au sud-est du pays, avait coûté la vie à 26 soldats. En réaction, le gouvernement de Niamey avait alors redéployé des militaires postés dans la zone frontalière avec le Mali vers celle avec le Nigeria, laissant ainsi un front à découvert.