L’eurodéputé UKIP Nathan Gill et le directeur de la communication Hermann Kelly donnent aux médias des nouvelles de Stephen Woolfe devant l’hôpital où il est hospitalisé, à Strasbourg, le 7 octobre. | FREDERICK FLORIN / AFP

L’état de santé de Steven Woolfe, le député européen qui a dû être hospitalisé après une altercation avec l’un de ses collègues de parti, jeudi 6 octobre au Parlement européen à Strasbourg, n’inspirait plus d’inquiétude vendredi matin. Mais celui du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), dont il est une étoile montante, reste problématique, trois mois après le vote du Brexit qui était sa revendication centrale, et alors que la première ministre Theresa May multiplie les appels du pied à ses électeurs. D’âpres rivalités personnelles ont toujours agité le parti anti-UE et xénophobe, mais la bagarre de jeudi montre que la démission de son charismatique leader Nigel Farage, au lendemain de son triomphe au référendum, l’a transformé en pétaudière.

La rixe dont a été victime M. Woolfe évoque un western. Selon des témoins, le député européen du nord-ouest de l’Angleterre a été accusé de traîtrise lors d’une réunion avec d’autres élus de son parti. Le ton est monté entre lui et Mike Hookem, autre élu anglais et ancien militaire. M. Woolfe a ôté sa veste et proposé de poursuivre à l’extérieur de la salle. Des coups ont été échangés. Atteint, Steven Woolfe s’est heurté la tête contre un mur, mais il s’est relevé. Deux heures plus tard, il s’est effondré et a dû être transporté dans un état préoccupant à l’hôpital, où il a été examiné par scanner cérébral. « Je vais bien et souris comme toujours », a-t-il fait savoir jeudi soir, se plaignant seulement d’un « engourdissement » dans la partie gauche du visage.

L’incident grave se produit alors que le UKIP est en pleine tourmente. Mardi soir, Diane James, la successeure de Nigel Farage, a donné sa démission dix-huit jours après son élection comme leader, se plaignant du manque de soutien des députés européens et des cadres du parti. Immédiatement, Steven Woolfe, 49 ans, s’est porté candidat. Avocat, issu d’un milieu populaire de Manchester, il a des origines mêlées – irlandaises, juives et noires américaines – qui lui donnent un profil porteur à la fois pour contrer les accusations de racisme adressées contre le UKIP, et pour servir son principal dessein actuel : attirer les électeurs travaillistes des quartiers défavorisés.

Soutenu par Arron Banks, le principal financier du UKIP, et par Nigel Farage, Steven Woolfe s’était présenté pour succéder à ce dernier, mais sa candidature avait été bloquée par les instances dirigeantes, sous prétexte d’un retard de dix-sept minutes. De nouveau candidat aujourd’hui pour succéder à Mme James, il pâtit cependant d’un handicap : avoir été à deux doigts de faire défection et de passer chez les conservateurs. M. Woolfe n’a pas caché son « enthousiasme » pour les mesures annoncées par Theresa May dont plusieurs reprennent le programme du UKIP : « hard Brexit » (fin de la libre entrée des Européens), relance des « grammar schools », les collèges publics d’élite, et priorité aux Britanniques pour l’embauche. Ce n’est qu’au lendemain de la démission de Diane James que Steven Woolfe est revenu dans le giron du UKIP pour briguer sa présidence. D’où l’accusation de déloyauté.

3,8 millions d’électeurs en 2015

Les rivalités au sein du parti d’extrême droite tiennent plus au choc des personnalités que des idées. Aux législatives de 2015, le UKIP a attiré 3,8 millions d’électeurs (12,7 % des voix) mais le système à un tour ne lui a attribué qu’un seul élu, Douglas Carswell, libertarien pro-immigration, ennemi juré de M. Farage. La proportionnelle a, en revanche, permis en 2014 au UKIP de faire élire vingt-quatre de ses candidats au Parlement européen – une institution qu’il abhorre mais où ses élus continuent d’être appointés et de siéger comme si de rien n’était depuis le Brexit, quitte à oublier les bonnes manières des gentlemen. Nigel Farage, lui, avait juré qu’il prenait sa retraite. Mais la crise, comme c’est arrivé déjà dans le passé, pourrait le remettre en selle.