L’ouragan Matthew a semé la désolation en Haïti où il a fait près de 300 morts, selon des bilans encore partiels. | CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

L’ouragan Matthew fouettait la côte est de la Floride de violentes bourrasques de plus de 100 km/h et de pluies torrentielles tôt vendredi matin. S’il a faibli un peu jeudi soir – il est désormais catégorie 3 sur l’échelle de Saffir-Simpson, qui en compte 5 –, le cyclone « reste extrêmement dangereux », a mis en garde le centre américain de surveillance des ouragans. Matthew a semé la désolation en Haïti où il a fait près de 300 morts, selon des bilans encore partiels. Il a aussi provoqué des dégâts matériels importants en République dominicaine, à Cuba et au Bahamas.

Comment et pourquoi s’est-il formé ? Réponses avec Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques.

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Comment se forment les ouragans ?

Les cyclones, qualifiés de typhons dans le Pacifique Ouest et d’ouragans dans l’Atlantique et dans le Pacifique Est, sont des perturbations à circulation tourbillonnaire, qui prennent forme dans les océans des régions tropicales quand plusieurs conditions sont réunies. Il faut tout d’abord que la température de la surface de la mer soit élevée, c’est-à-dire en général supérieure à 26 °C – ce qui est une constatation et non un seuil physique.

Ensuite, l’atmosphère doit être instable pour favoriser les phénomènes de convection : un courant d’air ascendant se met en place, soulevant des particules des basses couches de l’atmosphère pour les redistribuer en haute altitude, jusqu’au sommet de la troposphère (15 km d’altitude). En condensant, ces particules provoquent des pluies. Cette ascendance entraîne par ailleurs une baisse de pression en bas, vers la surface de la mer. Les vents doivent par ailleurs être relativement homogènes de la surface de la mer jusqu’aux sommets nuageux pour permettre au cyclone de se structurer et se renforcer.

Enfin, l’élément déclencheur est un phénomène de tourbillon de la masse d’air, sous l’effet, entre autres, de la force de Coriolis. Elle tourne dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère Sud et dans le sens inverse dans l’hémisphère Nord.

Matthew, comme beaucoup d’autres cyclones dans l’Atlantique, s’est formé à partir d’une perturbation en provenance de l’Afrique de l’Ouest. Une fois que le cyclone se développe, il entretient sa propre dynamique, en pompant de l’énergie dans l’océan et on se renforçant. Au final, l’océan est le moteur du cyclone : il apporte la chaleur et l’humidité nécessaires à sa formation et à son entretien. Reste qu’il y a une grosse part de hasard dans son intensité.

Comment se classent-ils et quelle est leur fréquence ?

Quand les vents les plus soutenus ne dépassent pas 63 km/h (17 m/s), on parle de dépression tropicale. Elles sont numérotées, à partir de la première de l’année. Les vents étant faibles, les risques seront induits essentiellement par les pluies fortes, voire intenses.

Entre 63 et 117 km/h (33 m/s), on parle de tempête tropicale. On lui attribue un prénom. Si les pluies sont toujours à craindre, les vents commencent eux aussi à faire des dégâts, et avec eux la mer devient dangereuse. On compte en moyenne 80 systèmes de tempêtes par an, selon les variations d’El Niño et de La Niña, qui entraînent des anomalies de températures dans les océans.

Si les vents dépassent ce seuil de 117 km/h, c’est alors un typhon ou un ouragan, qui provoquent de très nombreux dégâts. Ils sont classés dans 5 catégories sur l’échelle de Saffir-Simpson, en fonction de la force de leurs vents – le seuil pour la catégorie 5 étant de 250 km/h. On dénombre environ 45 cyclones tropicaux chaque année, essentiellement dans le nord-ouest du Pacifique, les Caraïbes ou le sud de l’océan indien. Ils se forment surtout de juillet à octobre dans l’hémisphère Nord et de novembre à mars dans l’hémisphère Sud.

Matthew est le premier cyclone à avoir atteint la catégorie 5 depuis 2007 dans l’Atlantique. 2016 n’est pas une année particulièrement active d’un point de vue cyclonique, même si un nouveau cyclone se prépare déjà, Nicole, qui est classé en catégorie 2. En revanche, 2015 avait été une année exceptionnelle pour le Pacifique, Est comme Ouest, avec beaucoup de typhons de catégorie 5.

Peut-on facilement les prévoir ?

Les cyclones étant des phénomènes thermodynamiques, leurs évolutions sont précisément suivies, grâce à des modèles météorologiques et aux observations satellites. On les repère dès la formation de la dépression et on les voit se transformer en tempête ou typhon. Le seul élément difficile à prévoir est leur trajectoire. Il faut alors prévoir des cônes de trajectoires qui déterminent des probabilités.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique sur les cyclones ?

Selon les modèles scientifiques les plus précis, le nombre global de cyclones dans le climat futur devrait être stable, voire en légère baisse. Mais dans le même temps, on s’attend à une hausse des cyclones les plus intenses, qui s’explique notamment par l’augmentation des températures des océans. On va aller vers des phénomènes plus puissants, associés à des pluies plus intenses, d’environ 20 % supérieures.