A Jérémie, en Haiti, le 7 october. | NICOLAS GARCIA / AFP

La côte sud-est des États-Unis a sans doute évité le pire. Alors que l’ouragan Matthew a causé la mort de près de 900 personnes en Haïti, son intensité a baissé d’un cran, vendredi 7 octobre, lors de son passage le long de la Floride, de la Géorgie, de la Caroline du Sud et de la Caroline du Nord. Même si ces régions ont été balayées tout au long de la journée par de fortes rafales de vent dépassant les 120 km/h et que la montée des eaux menaçait d’inondations les zones situées en bord en mer, l’ouragan, qui s’annonçait comme l’un des plus violents depuis Wilma, en octobre 2005, a été finalement moins puissant que ce que craignaient les autorités américaines.

Matthew, qui avait atteint le maximum de sa force dans la zone Caraïbes – et qui était encore classé en catégorie 4 (sur l’échelle de Saffir-Simpson qui en compte 5) lors de son passage dévastateur sur l’île d’Haïti – avait été rétrogradé en catégorie 2 vendredi soir. Après avoir frôlé la Floride, arraché des centaines d’arbres, endommagé plusieurs routes côtières et détruit un nombre important de toitures, l’ouragan continuait de remonter vers le nord le long de la côte, à quelques miles au large.

Malgré une baisse d’intensité, les autorités ont insisté pour que les populations restent vigilantes. « Bien qu’on prévoie un affaiblissement au cours des quarante-huit prochaines heures, Matthew devrait rester dans la catégorie ouragan jusqu’à ce qu’il s’éloigne des États-Unis dimanche », a prévenu le Centre national des ouragans (NHC) américain. « Si vous espérez qu’il va passer suffisamment loin au large et qu’il n’y a plus de problème, vous faites une très grave erreur qui pourrait vous coûter la vie », a ajouté Rick Knabb, le directeur du NHC.

Ce message de prudence a été relayé par le président Barack Obama, qui a appelé les habitants des zones concernées à respecter les consignes d’évacuation après avoir décrété l’état d’urgence en Floride, en Géorgie et en Caroline du Sud. Alors que les images de l’arrivée de l’ouragan aux États-Unis tournaient en boucle sur toutes les chaînes de télévision américaines, M. Obama a tenu à rappeler que Haïti avait été frappé beaucoup plus directement que les États-Unis : « Ils vont avoir besoin d’aide pour reconstruire », a lancé le président américain.

Sur les 1 000 kilomètres de côtes menacées par l’ouragan, plus de 2 millions de personnes ont dû quitter leurs habitations pour se réfugier à l’intérieur des terres. L’arrivée du phénomène climatique a créé d’importantes perturbations dans les transports aériens : plus de 4 500 vols ont été annulés. Les parcs d’attractions d’Universal, de Disney et de Sea World à Orlando (Floride) ont exceptionnellement fermé leurs portes, tandis que 3 500 militaires de la garde nationale ont été mobilisés. L’aéroport international d’Orlando devait rouvrir ses portes samedi dans la journée.

Les zones les plus peuplées de Floride comme Miami, Fort Lauderdale et West Palm Beach ont été relativement épargnées même si, dans cet Etat, près de 1,1 million de foyers et d’entreprises étaient toujours privés d’électricité vendredi. Près de 20 000 foyers ont dû être secourus dans l’agglomération d’Orlando, frappée par des vents violents. « Je suis née ici et j’ai grandi avec les ouragans et le souvenir marquant de Mitch en 1998, bien plus ravageur, témoigne Bridget Sandy, installée au sud de la mégapole. Matthew est heureusement resté assez éloigné de la côte. On a eu le temps de nous y préparer. Le problème, c’est que la saison des cyclones ne fait que commencer. »

La campagne suspendue

Dans la soirée, on déplorait quatre victimes en Floride. Deux sont mortes à la suite de chutes d’arbres, tandis que deux autres, en situation médicale d’urgence, n’ont pas pu être soignés à temps, les intempéries ayant retardé les secours. Plus au nord, les villes historiques comme Saint Augustine (Floride), une ancienne forteresse espagnole du XVIIe siècle, Savannah (Géorgie) et Charleston (Caroline du Sud), où se trouvent de splendides demeures anciennes, se préparent à d’importantes inondations provoquées par les ondes de tempête et des pluies torrentielles. Le niveau de l’eau pourrait monter jusqu’à 2,5 mètres à certains endroits, ont prévenu les autorités locales.

Un couvre-feu a été décrété à Charleston dans la nuit de vendredi à samedi, alors que des vents de 80 km/h à 100 km/h étaient attendus dans cette zone. En fin de journée vendredi, la force des vents enregistrés dans l’œil du cyclone était tombée à 177 km/h, alors que les bourrasques avaient atteint les 230 km/h lorsque Matthew avait traversé Haïti. Plus au sud, autour de Daytona Beach, plusieurs comtés ont maintenu un couvre-feu, comme à Flagler Beach, où le shérif local, Jim Troiano, a enjoint aux habitants de rester cloîtrés chez eux. A New Smyrna Beach, une coupure générale d’électricité a entièrement paralysé la localité. A Melbourne, dans le comté de Brevard, les vagues ont atteint un niveau record, selon plusieurs témoignages.

A Ormond Beach, en Floride, le 7 octobre. | Drew Angerer / AFP

Une douzaine de centrales de production d’énergie se trouvent sur la route de Matthew, dont deux sites nucléaires. La compagnie NextEra Energy a annoncé par mesure de précaution la fermeture du réacteur de Saint Lucie, à 180 kilomètres au nord de Miami. L’épisode Matthew pourrait provoquer des dégâts évalués entre 20 et 25 milliards de dollars (entre 18 et 22 milliards d’euros), a indiqué, à l’agence Bloomberg, Chuck Watson, un spécialiste du coût des catastrophes naturelles, basé à Savannah. L’ouragan Katrina, qui avait frappé la Nouvelle-Orléans en 2005, avait occasionné 154 milliards de dollars de dommages.

Effet collatéral de Matthew, la dépression a provoqué une suspension immédiate de la campagne électorale en Floride, l’un des États-clés de l’élection présidentielle. Il a ralenti, voire empêché, un certain nombre d’enregistrements sur les listes électorales dans les centres administratifs – les inscriptions sont possibles jusqu’au mardi 11 octobre. Les élus démocrates locaux, qui espèrent un sursaut de la part des nouveaux et des jeunes électeurs, ont demandé un délai supplémentaire au gouverneur de l’Etat, Rick Scott, proche du candidat républicain Donald Trump. Ce dernier a refusé, arguant que la durée d’inscription avait été suffisamment longue. En 2012, 56 000 électeurs de Floride s’étaient inscrits dans les cinq derniers jours autorisés.