Un membre des forces pro-gouvernementales dans la banlieue d’Alep le 6 octobre. | GEORGE OURFALIAN / AFP

C’est un jeu à somme nulle, ou presque, qui s’est tenu samedi 8 octobre à l’ONU au centre duquel la ville d’Alep assiégée, affamée et bientôt pulvérisée continue de payer le prix du sang. Le conseil de sécurité examinait lors d’une réunion d’urgence deux résolutions distinctes d’inspiration franco-espagnole et russe. Mais, dès avant les votes, Vitaly Tchourkine, le représentant de Moscou à l’ONU, qui préside le conseil de sécurité pour le mois d’octobre, avait prévenu que tout cela n’était qu’« une vaste mise en scène (…) un spectacle étrange car tout le monde sait pertinemment qu’aucune des deux résolutions ne passera ».

Les deux textes avaient pour objectif de relancer une cessation des hostilités à Alep. Mais le projet porté par Paris et Madrid réclamait aussi la fin des survols aériens de la seconde ville de Syrie où 250 000 habitants subissent des bombardements incessants de l’aviation russe et syrienne depuis deux semaines. Une ligne rouge infranchissable pour Moscou qui a mis son veto au texte malgré l’avertissement du président François Hollande. Lors d’un déplacement en Corrèze, il avait prévenu qu’un pays « qui mettrait le veto à cette résolution serait discrédité aux yeux du monde. Il serait responsable de la poursuite des exactions. »

C’est la cinquième fois que les Russes font obstacle à une résolution sur le dossier syrien depuis 2011. Mais Pékin, qui suivait jusqu’à présent la ligne de Moscou, s’est distingué cette fois-ci en s’abstenant. « C’est la première fois que la Chine se dissocie d’un veto russe sur la Syrie », a noté l’ambassadeur français à l’ONU François Delattre qui espère « que cette lourde séquence syrienne soit un investissement pour exercer une pression politique maximale sur le régime et Moscou ». Onze des 15 pays membres du conseil de sécurité ont voté favorablement à la résolution française qui était par ailleurs co-parrainée par une cinquantaine de pays.

Impassible, Vitaly Tchourkine, le Russe, a mis au vote sa résolution, quasiment identique au texte français, mais sans mention de l’arrêt des bombardements. Neuf pays dont la France, les États-Unis et le Royaume-Uni se sont opposés au texte. La Chine, l’Egypte et le Venezuela ont voté favorablement.

« Dialogue de sourd »

Jean Marc Ayrault, le ministre des affaires étrangères français, avait fait spécialement le déplacement à New York après avoir rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov à Moscou et américain John Kerry à Washington pour tenter d’arracher un compromis. Paris avait décidé d’aller au bout de son initiative pour « une épreuve de vérité » parce qu’il n’est pas possible de « fermer les yeux ou de rester indifférent » à la situation en Syrie, a expliqué le ministre.

Le régime syrien « a confirmé avec une brutalité inouïe son objectif. Objectif qui n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme, l’objectif c’est la capitulation d’Alep » a prévenu M. Ayrault.

« Si nous n’agissons pas, cette ville ne sera bientôt plus qu’un champ de ruines et restera dans l’histoire comme une ville et ses habitants abandonnés à leurs bourreaux. »

Cette passe d’armes verbale – si tant est que Moscou soit sensible à la pression internationale – doit permettre à « la raison et à la responsabilité de l’emporter ». Au sortir de la réunion, les diplomates cachaient pourtant mal leur amertume à l’image de l’Egyptien Amr Abdellatif Aboulatta qui a dénoncé « des postures » et « un dialogue de sourd » du conseil de sécurité.

Sur le terrain, et alors même que les discussions s’envenimaient à l’ONU, les bombardements continuaient à faire rage et les forces pro-gouvernementales grignotaient de nouveaux pans de territoires aux insurgés dans la partie orientale d’Alep. « La bataille se déroule au centre, notamment dans le quartier de Boustane al-Bacha où l’armée avance, dans le sud, à Cheikh Saïd, et à la périphérie nord, où le régime a pris le quartier d’Ouwayja », a indiqué à Rami Abdel Rahmane, directeur de l’observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) dans un entretien à l’AFP. 290 personnes, des civils pour la plupart, dont 57 enfants, ont été tuées dans des raids du régime et de son allié russe depuis le début de l’offensive. Par ailleurs, 50 civils, dont neuf enfants, ont péri dans des bombardements rebelles sur les quartiers pro-gouvernementaux selon l’OSDH.

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