La baisse des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales, amorcée en 2014 à hauteur de 1,5 milliard d’euros et poursuivie en 2015 pour 3,47 milliards d’euros, pouvait laisser redouter une dégradation de leur situation financière. Les associations d’élus, fortement mobilisées, ont d’ailleurs entretenu, depuis plusieurs mois, un climat sciemment alarmiste. Avec un certain succès, puisque l’exécutif a été amené à atténuer la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) prévue en 2017 pour les communes, à créer un fonds spécial de soutien à l’investissement et, même, à annoncer le transfert à partir de 2018 d’une partie de la TVA aux régions.

Le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales rendu public mardi 11 octobre tendrait cependant à relativiser la gravité de la situation. Sur l’année 2015, l’ensemble des transferts financiers de l’Etat n’a reculé, en réalité, que de 628 millions d’euros, du fait de la hausse de 2,91 milliards d’euros de la fiscalité transférée. Les produits des impôts locaux, pour leur part, ont enregistré une croissance de 5,9 milliards d’euros, la plus forte progression depuis la réforme de la fiscalité locale de 2011. En conséquence, malgré la baisse de la DGF, les collectivités territoriales ont continué à bénéficier d’un surcroît de recettes de fonctionnement qui ne s’est pas déprécié.

Solde positif

En outre, note la Cour des comptes, « les efforts de gestion des collectivités ont commencé à produire des résultats perceptibles ». Ainsi, la progression de leurs dépenses de fonctionnement s’est ralentie. Le rythme d’augmentation de leurs dépenses de personnel a été divisé par trois, hors impact des mesures nationales en matière de fonction publique. Leur épargne brute – le solde entre produits et charges de fonctionnement – a cessé de reculer.

Globalement, les dépenses des collectivités territoriales (226,9 milliards d’euros) ont diminué de 1,7 % en 2015 alors que leurs recettes (228,4 milliards d’euros) ont progressé de 0,9 %. Pour la première fois depuis douze ans, elles ont dégagé un solde positif de 1,5 milliard d’euros. En 2013, elles présentaient un bilan négatif de 8,5 milliards d’euros et, en 2014, de 4,5 milliards. Les administrations publiques locales ont ainsi contribué pour plus de la moitié à la réduction du déficit public national, qui est passé de 84,8 milliards d’euros en 2014 à 77,5 milliards en 2015.

Ce bilan global est cependant différencié selon les catégories de collectivités. La situation financière des communes, qui ont bénéficié du dynamisme de leurs impôts directs et indirects, s’est améliorée. Après deux années successives de diminution, leur épargne a recommencé à progresser. Toutefois, malgré l’augmentation de leur autofinancement, elles ont réduit leurs investissements pour la deuxième année d’affilée, soit une baisse de l’investissement de 25 % en deux ans.

Le paysage est plus contrasté pour les départements, dont les finances se détériorent depuis plusieurs années sous le poids des dépenses sociales. Cette dégradation s’est néanmoins ralentie en 2015 grâce au dynamisme accru de leurs produits fiscaux, notamment des droits de mutation à titre onéreux, qui a plus que compensé la baisse de la DGF. Malgré une augmentation continue des dépenses sociales, les efforts réalisés en matière de gestion courante ont permis de limiter la casse. Il reste que huit départements présentaient en 2015 une capacité d’autofinancement négative, contre cinq l’année précédente. Tandis que l’investissement connaissait un nouveau recul, pour la cinquième année d’affilée.

Embellie de courte durée

Les régions, elles, ont enregistré une nouvelle dégradation de leur situation financière sous l’effet de l’accélération des dépenses de fonctionnement due, en grande partie, aux transferts de compétences de l’Etat. En conséquence, l’épargne brute des régions continue de reculer sensiblement pour la cinquième année de suite (-15,76 % entre 2011 et 2015) et leur endettement s’est alourdi (+34 % en cinq ans).

Cette embellie, met en garde la Cour des comptes, risque toutefois d’être de courte durée. En 2016, la baisse des transferts financiers de l’Etat devrait être plus prononcée qu’en 2015 (2,16 milliards d’euros contre 628 millions) et la progression des produits de la fiscalité moins rapide. Les collectivités vont donc disposer de marges de manœuvre réduites pour faire face à l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. En outre, l’année 2016 est marquée par de profonds mouvements de réorganisation territoriale – passage de 22 à 13 régions métropolitaines, transferts de compétences des départements vers les régions et les métropoles, resserrement de la carte des intercommunalités – qui risquent de se traduire, dans un premier temps, par des coûts supplémentaires.

Pour la Cour, « le maintien de l’autofinancement des collectivités locales passe donc par l’intensification de leurs efforts de maîtrise des charges de fonctionnement, particulièrement de leur masse salariale ». Sur ce plan, les magistrats financiers estiment qu’il existe des marges de progression, à la fois dans la maîtrise des effectifs – qui se sont accrus de 27,5 %, soit 405 000 agents entre 2002 et 2013, dont 243 000 dans les communes et les EPCI – et dans la gestion du temps de travail.

Ainsi, sur un échantillon de 103 collectivités contrôlées par les chambres régionales, la durée moyenne théorique de travail était de 1 562 heures par an, pouvant aller jusqu’à 1 501 heures dans le département de l’Hérault ou la métropole de Lille. Seules 20 % d’entre elles étaient alignées sur la durée réglementaire de 1 607 heures par an. Quant au taux d’absentéisme, il peut varier de 7,3 % à Vannes (Morbihan) à 15,7 % à Dax (Landes). La Cour des comptes suggère d’appliquer des pénalités financières aux collectivités qui ne respectent pas la durée réglementaire annuelle. Une préconisation qui a peu de chances d’être suivie.